08.10.2023 : Mt 21.33-43 – Parabole des mauvais vignerons

La pierre angulaire

Introduction

Dans la parabole que nous avons méditée la semaine dernière, un homme possédait déjà une vigne et il demandait à ses fils d’aller y travailler.

Là, il la confie à des vignerons. L’image du maître qui part en voyage en confiant son domaine est classique pour représenter Dieu qui confie une responsabilité à l’humain. La parabole insiste sur le fait que la vigne a été bien préparée.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Image de la vigne

Dans plusieurs passages du Premier Testament, la vigne est souvent une image d’Israël (Jr 2.21, Ez 19.10, Os 10.1…).

Dans cette parabole, le pressoir et la tour évoquent un passage du livre d’Ésaïe qui dit : Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Il en travailla la terre, ôta les pierres et y planta un cépage de choix ; il bâtit une tour au milieu d’elle, il y creusa aussi une cuve. Il espérait qu’elle produirait des raisins, mais elle a produit des fruits puants ! (Es 5.1-2).

Jésus reprend une parabole connue de ses auditeurs et en déplace le sens.

Le fils est pris, chassé hors de la ville et tué

Ce verset est une référence transparente à la croix. Jésus a déjà annoncé sa passion à plusieurs reprises en s’adressant à ses disciples. Dans ce passage, il l’annonce aux religieux à qui est adressée la parabole.

Cette insistance souligne le rejet de Dieu, non seulement par le monde, mais aussi par les responsables religieux. Chaque qu’on a le sentiment que l’Église trahit sa mission – et même qu’elle se pervertit – on peut simplement se consoler en se rappelant que c’était annoncé dans l’Évangile.

Pistes d’actualisation

1er thème : À qui s’adresse la parabole ?

Historiquement, cette parabole s’adresse aux grands prêtres et aux pharisiens et elle a souvent été interprétée dans l’histoire comme l’annonce du rejet d’Israël et de son remplacement par l’Église.

Mais c’est une très mauvaise lecture que de penser qu’une parole de jugement s’adresse à un autre qu’à soi-même. Les paroles de jugements ne sont pas prononcées pour envoyer les autres en enfer, mais pour me piquer et me rappeler l’importance de l’Évangile et de ses exigences.

2e thème : La pierre de l’angle

Comme illustration de la parabole, Jésus cite un verset du Psaume 118 qui déclare que la pierre qui a été rejetée est devenue celle de l’angle. Ce verset est celui du Premier Testament qui est le plus souvent utilisé dans le Nouveau.

C’est une réponse que la première Église a apportée pour trouver un sens à la croix. Rappelons que les disciples ont opposé une résistance farouche à la perspective de la croix. Pour eux, le Christ ne pouvait être crucifié. Et pourtant il l’a été. Alors ils ont pensé que Jésus n’était pas le Christ, mais cette hypothèse a été contredite par la résurrection. Alors il a fallu trouver un sens à la croix. Une des réponses a été ce verset qui dit que le rejet n’est pas le signe de l’abandon de Dieu, mais au contraire qu’il peut être le signe de la présence de Dieu dans le monde.

Par un retournement paradoxal, cette parabole qui a été interprétée dans l’histoire comme la marque du rejet d’Israël peut être lue à l’envers : Quand ils sont rejetés ils se pourraient qu’Israël soit la pierre angulaire qui dit la vérité de notre monde.

3e thème : Rudologie comme principe éthique

Une branche de la sociologie, qu’on appelle la rudologie, étudie un groupe humain par l’analyse de ses poubelles : « Dis-moi ce que tu jettes et je te dirai qui tu es. » Dans le Nouveau Testament, la rudologie prend une valeur théologique en déclarant que ce qui est rejeté devient le plus important, la pierre d’angle, celle par laquelle l’édifice tient debout.

Elle devient un principe éthique dans le regard que nous portons sur le monde. Toujours poser la question de la présence de Dieu dans celui qui est rejeté, ce qui est le sens de la parabole du jugement des nations qui dit que Jésus est celui qui vient à nous dans l’image de l’affamé, de l’indigent, du prisonnier ou de l’étranger. 

Une illustration : Bouc émissaire et Girard

René Girard est un des auteurs qui a le mieux décrit le phénomène du bouc émissaire qui consiste à renforcer la cohésion et l’unité d’une communauté en lui proposant le rejet d’un tiers. C’est le principe universel qui veut que la meilleure façon d’unir un groupe est de lui présenter un ennemi commun : c’est la tentation du tous contre un, de la foule qui communie dans un même rejet.

Être chrétien, c’est garder les yeux ouverts sur ce mécanisme et ne jamais oublier que souvent c’est celui qui est rejeté qui est dans la vérité.

Pour aller plus loin :
Les théologiens Antoine Nouis et Michel Barlow commentent le texte biblique de Matthieu 21, 33-43 : https://regardsprotestants.com/video/bible-theologie/qui-sont-les-vignerons-meurtriers-dont-parle-levangile-de-matthieu/ 

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis