Prédication de James Woody au temple de la rue de Maguelone (Montpellier) dimanche 22 octobre 2023 sur Ésaïe 2/1-8

« Chers frères et sœurs, non seulement la paix n’est toujours pas en vue, mais elle semble encore moins probable qu’il y a 18 mois, lorsque la Fédération de Russie a attaqué l’Ukraine. Le risque d’affrontements en France est sérieux, suffisamment pour que le plan Vigipirate ait été renforcé depuis l’assassinat du professeur Dominique Bernard. Certes, nous avons manifesté notre fraternité avec les personnes endeuillées, nous avons exprimé notre soutien à la communauté éducative, mais quel avenir nous préparons-nous ? Ou, pour revenir au constat de départ, que m’est-il permis d’espérer en matière de paix ?

1. La paix ne vient pas du désarmement

En christianisme, nous avons l’habitude de penser la question de la paix en relation avec la question des armes. « S’il n’y avait pas toutes ces armes il n’y aurait pas toutes ces guerres » est une manière de résumer une partie des réflexions chrétiennes au sujet de la guerre et de la paix. Le raisonnement selon lequel ce sont les armes qui provoquent les guerres est une autre manière de penser que s’il n’y avait pas toutes ces armes, il n’y aurait pas toutes ces guerres. Le raisonnement est séduisant, mais ce n’est pas ce que pense le rédacteur du texte biblique que nous avons lu. Le rédacteur de ce passage d’Ésaïe pense à rebours de l’idée commune qui nourrit le pacifisme chrétien hostile aux armes, à leur maniement et à leur utilisation. Ésaïe ne fait pas l’apologie de l’armement – et il serait fou de dire que les chrétiens doivent encourager l’armement. Cependant, le prophète Ésaïe remet les choses à leur juste place chronologique. C’est parce qu’une paix profonde est instaurée que les armes deviennent inutiles et qu’elles peuvent être converties en instruments agraires. Ce n’est pas la fin des armes qui conduit à la paix ; c’est la paix qui conduit à l’inutilité des armes. Les rédacteurs bibliques sont tout à fait lucides sur la nature profonde des êtres humains. Avec un anachronisme flagrant, je dirais que les rédacteurs bibliques savent que si vous supprimez les armes nucléaires, certains se battront avec des missiles à têtes conventionnels, ou avec des roquettes, des balles de fusils, des machettes, des couteaux et, finalement, s’il ne reste plus rien, Caïn pourra encore tuer Abel de ses propres mains. Autrement dit, les armes favorisent l’étendue des dégâts, mais ne sont pas la cause première des conflits. Il y a une forme de naïveté à penser que la suppression des armes est la solution pour instaurer la paix. La paix nécessite une neutralisation de la violence qui est en nous – peut-être une sublimation de la violence qui est en chacun de nous, une métamorphose. Cela se fait par un changement profond, une dynamique de la conversion personnelle qui est le préalable indispensable à la conversion des armes en instruments agricoles.

2. Le monothéisme strict, c’est la paix

J’interprète ce texte biblique comme un plaidoyer en faveur du monothéisme. Je dirais que ce texte affirme que le monothéisme strict, c’est la paix. On impute souvent la violence au monothéisme exclusif qui ne tolère pas d’autres divinités et, par conséquent, qui ne supporterait pas ce qui lui est étranger. Toutefois, ici, dans le texte hébreu, nous pouvons lire autre chose qu’un monothéisme sauvage. En effet, le verset 3 déclare textuellement que le mouvement des nations se fait en direction de la maison des dieux de Jacob. Le monothéisme exclusif n’est donc pas hostile au polythéisme, du moins il ne le nie pas et ne s’y oppose pas frontalement par une attitude agressive. Le monothéisme biblique, le fait d’avoir un seul Dieu, n’ignore pas que l’histoire humaine est chargée de plusieurs divinités – que notre propre existence est chargée de plusieurs divinités, parfois. Ici, les dieux de Jacob sont intégrés dans l’horizon du monothéisme, comme le catholicisme, l’orthodoxie et le protestantisme sont intégrés dans l’horizon du christianisme, comme le christianisme, l’islam, le judaïsme sont intégrés dans l’horizon universel de la […]