Prédication de James Woody au temple de la rue de Maguelone (Montpellier) dimanche 7 janvier 2024

Chers frères et sœurs, le monde entier a les yeux braqués sur les mages qui viennent de l’Orient apporter des cadeaux au petit enfant qui les attend sagement dans la crèche. Le monde entier ? Non, car un irréductible peuple qui ne se contente pas des phénomènes de mode religieuse et qui lit la Bible, sait que la vie de Jésus ne saurait se réduire à la figure du poupon qui orne les crèches. D’ores et déjà, avec l’évangile de Marc, nous sommes orientés, comme le seront les mages, à vrai dire, vers l’avenir, vers ce qui est à venir, vers ce qui fonde notre espérance. C’est donc d’espérance que j’aimerais commencer à vous parler aujourd’hui.

L’action de Jésus, chasser les démons, est une activité d’adulte

Dans ce passage biblique qui inaugure le ministère de Jésus, nous ne voyons pas l’activité d’un enfant. Contrairement aux évangiles qui n’ont pas été retenus dans la liste des livres biblique, les évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean ne font pas état d’une activité de l’enfant Jésus, et encore moins d’une activité qui consisterait à chasser les démons. C’est adulte que Jésus s’en chargera. Et je reviens un instant sur les mages pour attirer votre attention que les cadeaux qu’ils apportent ne sont pas des cadeaux pour un enfant, mais pour un adulte. L’évangile de Marc entame donc le ministère de Jésus sur une action qui n’a rien d’enfantine : chasser les démons. Certainement est-il important de s’arrêter un instant sur la signification de cette expression « chasser les démons ». Quand un croyant en parle, cela a tendance à faire ricaner les non-croyants qui considèrent que cela relève de l’infantilisme, et qui trouvent que les croyants prennent les histoires de fées et de dragons pour la réalité. Quand un non-croyant en parle de démons, en revanche, c’est à prendre au sérieux : il peut être poursuivi par ses vieux démons, il peut être animé par des démons, qu’ils soient de midi ou d’une autre nature sans que cela pose le moindre problème, car il est évident qu’il s’agit d’une image.

Parler des démons est une manière de parler du fait qu’on ne fait pas exactement ce que l’on voudrait, qu’il y a des forces plus fortes que notre seule volonté, qui nous dominent et qui nous conduisent à faire ou à penser autre chose que ce que nous voudrions. En réalité, les textes bibliques ne disent pas autre chose que ce qui est passé dans le langage commun. Il n’y a pas lieu de penser que les démons soient des êtres particuliers, dotés de pouvoir extraordinaires, qui agiraient sur les gens pour leur faire faire des choses terribles. Le démon, ce mot qui vient du grec daimonion, désigne primitivement une force, une puissance qui agit dans le monde. Elle n’est ni bonne ni mauvaise : elle est agissante. Elle devient problématique quand elle n’est pas orientée vers le bien, vers ce qui favorise la vie. Si le daimonion peut conduire à édifier une cathédrale, il peut aussi conduire à détruire l’humanité. Dans ce cas, il s’agit de force de mort. Que fait Jésus ? Il ne chasse pas, au sens strict du terme. Il rejette « beaucoup » de démons – pas tous. Il rejetait beaucoup de démons et il ne les laissait pas parler. Autrement dit, Jésus ne laissait pas les démons dicter leur loi. Avec Jésus, ce ne sont pas les démons, ces puissances aveugles, qui avaient le dernier mot. Jésus agissait ainsi pour que la vie des personnes qu’il rencontrait puisse avoir le sens de l’Évangile et pas le sens du vent, du plus puissant, ou encore de celui qui parle le plus fort. Jésus rejetait beaucoup de démons, mais pas tous car il y a aussi des puissances qui aident à bâtir des civilisations d’humanité. Il en rejetait beaucoup et il ne les laissait pas parler parce que c’est la justice, c’est la vérité, c’est la liberté qui doivent parler, si vous m’autorisez ces anthropomorphismes dont les auteurs bibliques sont friands.

Autant vous dire que ce n’est pas un jeu d’enfant. Ne pas se laisser mener par ses pulsions, par ses envies, par les courants dominants, par les effets de mode, ce n’est pas un jeu d’enfant. Les enfants sont des éponges. Les enfants absorbent tout ce qu’ils voient, tout ce qu’ils entendent, tout ce qui vit autour d’eux. Jésus, lui, fait le tri. Et il ne laisse pas les différentes formes de puissances prendre le pouvoir sur les personnes.

La maturité du Christ dessine l’espérance chrétienne

L’évangile de l’enfance de Jésus qu’on ne trouve pas dans Marc, est important pour ne pas oublier qu’avant d’être l’adulte sauveur de l’évangile de Marc, il a bien fallu que Jésus soit un enfant et que cet enfant grandisse et soit éduqué pour devenir Christ. De ce point de vue, il est précieux que nous n’ayons pas que l’évangile de Marc, le premier à avoir été composé. Ainsi, les évangélistes de la Bible nous font…