Prédication de James Woody au temple de la rue de Maguelone (Montpellier) dimanche 8 octobre 2023

« Chers frères et sœurs, les chrétiens ont eu tort d’opposer le Dieu juste de l’Ancien Testament au Dieu d’amour du Nouveau Testament. Ils ont eu tort de le faire car il n’y a pas plusieurs dieux en christianisme. Et ils ont eu tort parce que Dieu, tel qu’en parle l’Ancien Testament, est très éloigné des mauvais stéréotypes qui ont pu circuler dans un christianisme en mal de provocation contre le judaïsme. Précisément, ce texte biblique du prophète Ésaïe vient tordre le cou aux images guerrières de Dieu, aux images d’un Dieu impitoyable. Ce texte remet aussi en cause une vision masculine de Dieu puisqu’il est question, ici, de l’Éternel qui est telle une femme ayant accouché, qui allaite et qui console en caressant sur ses genoux. Il y a dans ce texte bien des anthropomorphismes pour décrire l’action de Dieu. Ces anthropomorphismes sont une pédagogie pour nous faire comprendre ce que Dieu change dans notre existence. Ce texte nous parle d’un Dieu miséricordieux comme une mère est miséricordieuse envers son fils. C’est cette miséricorde que j’aimerais observer ce matin pour en repérer les trois composantes qui sont : la fidélité, la bienveillance, l’espérance.

La fidélité

Ce qui caractérise Dieu, à la toute fin du livre d’Ésaïe – puisque c’est le dernier chapitre de ce livre prophétique – c’est que Dieu reste fidèle à Israël. Il est d’autant plus important de le relever que tout le livre d’Ésaïe n’est pas rempli de phrases très positives pour le peuple. Il y a l’oracle contre Jérusalem du chapitre 22 qui se termine par cette sentence sans appel : « Non, la faute ne sera pas expiée en votre faveur jusqu’à votre mort, dit le Seigneur, l’Éternel Tsebaot ». Au chapitre 24 la joie s’assombrie, l’allégresse est bannie du pays et une voix s’élève pour dire : « je suis perdu ! Je suis perdu ! Malheur à moi ! » on se croirait dans la France désolée qui considère qu’elle n’a plus d’avenir, que tout est foutu, que la situation est digne de ce que chantait Jacques Dutronc le siècle dernier par une périphrase du chaos qui sentait bon la France dans le pétrin. La lecture du livre d’Ésaïe peut laisser penser que ça va mal finir. Mais le prophète annonce finalement qu’il y a encore un avenir pour Israël – comme il y a un avenir pour la France ou qu’il y a un avenir pour nous, à titre individuel.

Si le prophète peut déclarer cette promesse d’avenir, c’est parce qu’il sait que Dieu est fidèle comme une mère est fidèle envers son fils. Comme le disait Ésaïe selon le chapitre 49/15ss. : « Une femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle allaite ? À supposer qu’elle l’oublie, moi, je ne t’oublie pas ! » Je ne t’oublie pas ! « Je ne t’oublie pas ». Voilà une caractéristique de Dieu dans le livre d’Ésaïe : la fidélité. C’est d’autant plus important de le relever que la trajectoire du récit d’Ésaïe révèle que la vie est non seulement une trajectoire semée d’embûches, mais une histoire jonchée de moments proprement catastrophiques, dramatiques, tragique. Alors, la fidélité de Dieu est le premier moyen par lequel nous pouvons entendre quelque chose de l’ordre de la consolation.  « Je ne t’oublie pas », c’est une manière de dire que nous restons toujours au bénéfice de la grâce divine, quoi que nous ayons fait – ou pas fait –, quoi qu’il arrive autour de nous. Il y a bien des éléments, des personnes, des actes, qui font obstacles à la grâce divine.

Et, évidemment, depuis hier, nous sommes une fois de plus consternés. Nous nous demandons comment, au Proche Orient, la paix pourrait être un jour possible. Mais la fidélité de Dieu est le premier élément par lequel nous pouvons prendre conscience que la grâce reste disponible, tel un stock inépuisable. Cela signifie qu’il y a toujours des points d’appui autour de nous pour nous redresser et reprendre notre route. C’est vrai pour les nations, c’est vrai à titre individuel, lorsque nous vivons un deuil épouvantable, lorsque nous perdons notre emploi, lorsque nous n’arrivons pas à avoir une scolarité qui soit à la hauteur de nos espoirs, lorsque la vie d’Église n’est pas aussi belle que ce que nous pourrions espérer. Il y a aussi de bonnes raisons qui existent pour être redressé, même si elles ne sont pas nécessairement visibles au premier regard. C’est la raison pour laquelle il ne serait pas seulement malheureux, mais il serait véritablement cruel, de demander aux chrétiens de laisser de côté la Bible hébraïque.

L’histoire du peuple hébreu est là pour nous servir de mémoire auxiliaire si nous n’avons pas fait nous-mêmes l’expérience de la fidélité de Dieu ; si nous n’avons pas fait nous-mêmes l’expérience que nous pouvons être ressuscités lorsque tout semble mort en nous et autour de nous. Quand nous n’avons pas eu ces expériences positives de redressement de notre existence, peut-être parce que notre enfance a été […]