L’Écriture propose un chemin pour les relations entre les Églises :
- éclaircir les différences pour repérer celles qui sont irréductibles
- honorer ces différences tout en appelant la bénédiction de Dieu sur les autres Églises
- faire ensemble tout ce qu’on n’est pas obligé de faire séparément.
Plusieurs raisons plaident en faveur de l’œcuménisme :
l’esthétique, car l’unité est toujours préférable à la division,
l’évangélisation, car les divisions sont un contre-témoignage,
le souci pastoral, car les couples interconfessionnels sont de plus en plus nombreux dans les Églises.
Toutes ces raisons sont justes, mais elles sont secondaires par rapport à un argument qui les précède toutes : l’œcuménisme est une exigence spirituelle.
Les différences appartiennent à la création, elles sont dans le monde, elles sont dans nos familles, elles sont dans nos Églises. Face à ces différences, il y a deux péchés à éviter : l’uniformité et l’indifférence.
L’uniformité revient à nier la diversité en voulant que tout le monde soit pareil. Le père de l’Église Basile de Césarée a écrit que : « C’est la même eau fraîche et féconde qui tombe sur le champ afin que fleurissent rouge le coquelicot, rose la rose et bleu le bleuet. »
L’autre péché est la désinvolture qui consiste à ignorer ceux qui sont différents de nous, et à croire que nous n’avons pas besoin les uns des autres.
Entre ces deux écueils, l’œcuménisme cherche une juste relation entre les Églises. Nous pouvons évoquer trois formes d’œcuménisme.
Il y a d’abord l’œcuménisme théologique qui cherche à travailler sur les vraies et les fausses différences. C’est l’œcuménisme qui cherche à rapprocher les positions et à se mettre d’accord sur les désaccords. Cet œcuménisme est important, mais arrive un moment où les désaccords sont irréductibles et indépassables, sauf à demande à une Église de renoncer à ce qui est pour elle fondamental.
Une deuxième forme est alors l’œcuménisme de l’hospitalité qui est une démarche spirituelle qui prend en compte les différences et qui cherche à accueillir, et pourquoi pas aimer, ce qui fonde ces différences. C’est l’œcuménisme qui consiste à se visiter et s’inviter les uns les autres. L’épître aux Hébreux affirme : « N’oubliez pas l’hospitalité : il en est qui, en l’exerçant, ont à leur insu logé des anges. »
Une troisième forme est l’œcuménisme de l’objection. Il ne s’agit pas seulement d’accueillir les différences, mais de demander à chacun de formuler les objections qu’il adresse à l’autre. Il repose sur l’idée que chaque Église permet à l’autre d’éviter de tomber du côté où elle penche. Le protestantisme peut aider l’Église catholique à se préserver d’un absolutisme qui la menace ; et le catholicisme rappelle au protestantisme que la théologie a une histoire et que l’Église est universelle.
Pour terminer, un exemple biblique.
Une des grandes questions qui se posaient à la première Église est celle de la cohabitation entre les juifs et les non-juifs. Fallait-il marquer cette différence et avoir des Églises séparées, ou abolir les différences ? La question a été traitée à la rencontre de Jérusalem. Paul en parle dans l’épître aux Galates. Après avoir évoqué les deux positions, il termine de la façon suivante : « Lorsqu’ils ont reconnu la grâce qui m’avait été accordée, alors Jacques, Céphas et Jean, qui étaient considérés comme des colonnes, nous ont donné la main droite, à Barnabé et à moi, en signe de communion : nous irions, nous, vers les non-Juifs, et eux vers les circoncis ; nous devions seulement nous souvenir des pauvres, ce que je me suis empressé de faire. »
Nous trouvons dans ce texte trois éléments qui peuvent inspirer le dialogue œcuménique.
D’abord Les différences sont évoquées. Paul aurait pu poursuive sa mission sans se soucier de ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui, il a tenu à aller à Jérusalem pour les rencontrer et exposer sa position. Lorsque la différence est apparue irréductible, ils ont décidé de partir chacun de leur côté.
Ensuite, en se séparant, le texte dit qu’ils se sont donné la main droite en signe de communion. Le signe est éloquent. Tendre la main droite, c’est refuser de se séparer sans se donner mutuellement un signe de paix. Le geste a les allures d’une bénédiction : « Que Dieu t’accompagne sur ton chemin. »
Enfin, la référence aux pauvres peut être comprise comme le fait de faire ensemble tout ce qui est possible. Ne pas être d’accord sur les prescriptions du judaïsme n’empêche pas de s’occuper ensemble des pauvres.
Ce passage propose un chemin pour les relations entre les Églises : éclaircir les différences pour repérer celles qui sont irréductibles – honorer ces différences tout en appelant la bénédiction de Dieu sur les autres Églises – Faire ensemble tout ce qu’on n’est pas obligé de faire séparément, notamment l’action sociale.
Production : Fondation Bersier
Texte : Antoine Nouis
Présentation : Gérard Rouzier