Avec ses yeux rieurs, son grand sourire et les cheveux ébouriffés, Cyril respire le contact vrai et la sérénité. Pourtant, sa vie ne ressemble pas à un long fleuve tranquille. Pour lui, il ne veut pas l’évacuer, tout commence par la dépression d’un jeune ordinaire dans la petite ville de Chuelles, près de Montargis, avec des amis du club de foot et des sorties. Il est de culture catholique, comme toute sa famille – d’ailleurs, lors de sa conversion au protestantisme, son père lui dira : Tu ne peux pas croire comme tout le monde, se souvient-il, amusé.
Au cœur de cette maladie, c’est donc naturellement qu’il se tourne vers un prêtre dont les réponses ne satisferont pas son exigence. Il passe un temps par des Églises évangéliques jusqu’à la rencontre avec Jean-Baptiste qui lui propose d’aller à l’Église protestante unie de Montargis, où il décide de poser ses valises. Tout était dans l’accueil, il y avait une simplicité qui me rappelait celle de François d’Assise, se rappelle-t-il. Si tu ne parlais pas en langues, pas de problème. Je me sens bien dans ce protestantisme, j’y ai fait des rencontres. Cela n’a pas été simple parfois mais la fraternité prime, le dialogue a toujours été là.
Ne pas fermer les yeux sur l’actualité
C’est là aussi qu’il s’engage dans les premières associations. Arrivant des Églises évangéliques j’avais envie de changer le monde. Avec Michelle, Marlyse et Éveline j’ai découvert un monde dont je n’avais pas connaissance : le collectif « Immigrés du montargois », « Agir pour la Palestine », puis le MRAP et l’Acat dont j’ai été coordinateur régional pendant 5 ans. Avec sa femme Lætitia, catholique, il découvre l’œcuménisme vécu à l’intérieur du couple. Le lien entre ces différents engagements : l’importance de l’homme dans le monde et garder les yeux ouverts. Le danger aujourd’hui, affirme-t-il, c’est vraiment de fermer les yeux sur l’actualité. Cette exigence de lucidité qu’il demande aux autres, il se l’applique à lui-même. Il se rappelle : mon grand-père faisait partie de l’armée coloniale. À la maison, nous avions des souvenirs venant des quatre coins du monde. Il a fallu aussi un jour que je regarde en face ce qu’avait été ce passé colonial.
L’engagement politique, comme conseiller municipal, est venu plus tard. Dans le conseil municipal de Châlette, ville pourtant de tradition communiste, raconte-t-il, une place est toujours prévue pour un prêtre ouvrier. Un diacre catholique a proposé mon nom, j’ai été élu. Il aime le beau visage multiculturel offert par cette ville. Par ma fonction, je suis heureux d’avoir pu aider à la création d’un groupe interreligieux rassemblant musulmans (Turquie, Maghreb, Afrique noire), catholiques, protestants, orthodoxes. Mais, comme pour ces autres engagements, il regrette le manque de temps pour bien maîtriser les dossiers.
Pour se ressourcer, il va courir ou il lit. Il dévore les livres et en achète régulièrement dans les vide-greniers. J’aime bien l’histoire et la philosophie. Je lis à partir de sujets ou de figures comme Jaurès… En ce moment, je m’intéresse à Hannah Arendt, confie-t-il. Il apprécie aussi être dans la nature. Son métier, opérateur géomètre, lui permet de changer de lieu chaque jour et d’en découvrir ainsi de nouveaux. À la fin de la journée, j’assiste parfois au coucher du soleil sur le canal. Quand on lui demande sa passion : la vie, répond-il, mes deux enfants, et même pas que les miens… Mon jardin, quand je vois les fruits qui poussent d’année en année.