Même si cela passe parfois par de réelles difficultés voire des crises, cette situation est aussi une chance…

Baisse de la pratique religieuse, diminution des vocations pastorales, difficulté à recruter des laïcs pour certains conseils presbytéraux, rentrées financières en régression, depuis quelques décennies déjà, les paroisses et autres lieux de l’UEPAL font face à cette spirale. Certains, comme la pasteure Régine Lehner, en poste depuis trois ans dans le secteur de la Moselle Sud (où ils sont aujourd’hui deux pasteurs pour six lieux de culte très éloignés les uns des autres – jusqu’à 70 km), n’hésitent pas à parler d’un « travail de deuil », que doivent vivre aussi bien les pasteurs, les responsables laïques que les paroissiens lambda. Avec son collègue Benjamin Buchholz, elle a pour mission la mise en œuvre d’un projet pilote qui vise à organiser autrement la présence protestante dans la région. Le rythme des cultes dominicaux et des activités paroissiales a évolué, l’accent est mis sur l’événementiel comme des célébrations en plein air, un site internet performant a été créé. « À partir du moment où les gens constatent que personne n’est perdant, que des choses sont possibles même si c’est autrement, les freins du départ s’estompent », affirme-t-elle.

Les difficultés, sources d’opportunités

Marc Seiwert, ancien inspecteur ecclésiastique aujourd’hui chargé notamment d’accompagner les paroisses et autres mouvements de l’UEPAL dans la mise en œuvre de projets novateurs, est lui aussi convaincu que « les difficultés peuvent être une richesse ». Ce qui ne l’empêche pas de se demander si « dans notre Église, on n’est parfois pas un peu sclérosés, enfermés dans la nostalgie. Il y a toujours eu des pasteurs et des laïcs innovants chez nous mais ils étaient plutôt marginaux alors que, ailleurs en Europe et cela dès les années 1970, on a expérimenté de façon plus systématique de nouvelles formes liturgiques, hymnologiques et communautaires ». Pour la pasteure Esther Lenz, inspectrice ecclésiastique à Wissembourg, « la situation dans laquelle nous sommes, on peut la prendre par deux bouts : dire ‘il faut qu’on pallie’ ou, au contraire, la considérer comme étant porteuse de possibilités nouvelles. » Selon elle, « faire des choix éclairés tout en étant conscients qu’on ne sauvera ni le monde, ni l’Église, prendre des risques y compris celui de se tromper», tel est le défi. Pour cela, poursuit-elle, « il faut qu’on réapprenne à parler les uns avec les autres et avec la Parole de Dieu ».

Une chose est sûre : pasteurs et laïcs engagés ne manquent pas de créativité pour témoigner de ce qui les anime. Tout en explorant des voies nouvelles, ils cherchent à être fidèles à l’annonce de l’Évangile qui, précise l’inspectrice, « ne nous enferme pas dans des structures, des systèmes organisés, mais nous appelle à nous mettre debout, libres et responsables ». C’est ainsi que dans nombre de secteurs paroissiaux, qu’ils soient urbains, péri-urbains ou ruraux, de multiples initiatives, parfois insolites, voient le jour : cultes plus interactifs, événements intergénérationnels, catéchèse d’adultes, projets de diaconie, sans parler de nouvelles façons d’organiser la desserte pour les cultes et les actes pastoraux. « On essaie de s’adapter à la vraie vie, à la société actuelle et ses contraintes », explique Manuela Weber, la quarantaine, responsable web dans une entreprise et présidente du conseil presbytéral de Rothbach-Bischholtz, non loin de Wissembourg. Cette femme énergique évoque pourtant une période de découragement et de tensions en raison des charges financières auxquelles la paroisse a dû faire face : « Les clés pour trouver des solutions, c’est de travailler avec les autres paroisses du secteur, de cultiver l’échange avec des personnes de tous horizons, de miser sur la formation. Et d’arrêter de se mettre la pression pour des questions de résultat ou d’argent, qui doit rester un moyen mais pas devenir le but ».

Accompagner les changements

« Certains désertent l’Église parce qu’ils pensent qu’elle ne change pas, qu’elle est archaïque, parce qu’elle ne répond plus à leurs aspirations, à leurs interrogations. D’autres la désertent parce qu’ils ne retrouvent plus l’Église d’autrefois, le pain quotidien qu’ils avaient comme habitude d’y manger », analyse le psychiatre Raymond Heintz. Une chose est sûre : les changements doivent être accompagnés. « Même si cela prend beaucoup de temps et d’énergie, il est nécessaire d’accueillir les gens dans leurs peurs, leurs résistances, parfois leurs angoisses », estime la psychanalyste et psychothérapeute Marie-Louise Acker. Ce qui n’empêche parfois pas les crises. « Et alors ? », interroge Raymond Heintz, qui voit en elles des étapes parfois nécessaires sur le chemin de la Terre Promise.