Le mandat reçu par élection est personnel et non représentatif. Il nécessite qu’une attention particulière soit portée à la communauté. Le regard d’un paroissien d’outre-Rhin.

La communauté paroissiale n’est pas univoque, tant s’en faut. Que l’on soit en recherche de sens, pratiquant régulier ou agnostique, chacun porte en lui l’idée de ce que devrait être l’Église. Les expériences communautaires vécues à l’enfance, les premières prises de conscience d’une ambiance ou de paroles impactent l’espace personnel et construisent un sentiment de l’Église idéale ou rejetée. S’il n’est pas identifié, ce sentiment peut devenir un quasi-fantasme enfoui au cœur de l’individu, d’où il commandera ses points de vue et ses blocages à l’insu de tous. Les paroisses sont dès lors traversées de courants, de théologies, d’idéaux issus d’une intimité qui rend l’exercice du gouvernement de l’Église d’autant plus délicat. Dans mon Église, le Conseil est avant tout consultatif, mais chez vous, il porte une réelle responsabilité de la communauté.

Outre la prudence nécessaire à l’exercice de toute responsabilité, les conseils presbytéraux nouvellement élus seront amenés à une vigilance particulière concernant la communauté, car l’élection n’est pas un mandat de représentation d’une partie des fidèles, mais l’attention portée à l’ensemble. Rassemblement humain, le Conseil presbytéral est partiellement composé de personnes soucieuses de responsabilité et d’organisation. Pour elles, la paroisse paraît devoir être gérée, proposer des activités, devenir lieu de vie, d’accueil et de débat. Il s’agit là de l’un des pôles légitimes d’un triangle communautaire, et toute décision devra lui correspondre.

Approfondissement spirituel

Pour d’autres conseillers, le souci de la communauté tient dans l’approfondissement de la spiritualité. Loin des questions de responsabilité, ils semblent portés par la théologie, la recherche existentielle ou l’annonce de la grâce. Au cœur de leur attente, l’Église se doit d’être le lieu de l’annonce d’un évangile pour chacun, lieu de ressourcement et d’intériorité, occasion de connaissance partagée. Ce second pôle du triangle communautaire appelle la formation, la visite, l’ancrage dans la Parole. Là encore, toute décision devra lui correspondre.

Pour d’autres enfin, le cœur de la vie de foi paraît se situer dans l’expérience de la communauté, sa force et son impact. La louange y devient centrale, comme la nécessité de partager au-delà d’un cercle d’initiés. Ce troisième angle semble marqué par l’énergie reçue de la prière et redonnée à Dieu, ainsi que par la force de ce qui est vécu ensemble. Est-il utile d’ajouter que toute décision devra lui correspondre ?

Du groupe à l’équipe

La première expérience d’Église fonde souvent la compréhension ou le fantasme qu’on en a, soit par adhésion soit par distanciation. Cette vision initiale, marquée par la personnalité individuelle, entre peu ou prou en dialogue avec l’une des pointes du triangle communautaire. Pour le Conseil presbytéral, correspondre à sa vocation première de servir une Parole qui le dépasse nécessite de constater ces trois angles, et de passer au crible du triangle chacune de ses décisions et actions, afin que l ’ensemble de l’Église soit pris en compte. Qu’importe si la réaction de l’un des membres paraît à un autre partielle et décalée, à partir du moment où elle met en relief un angle oublié. C’est à l’aune de ce dialogue que se constitue une équipe presbytérale et non plus un groupe d’élus. Mon Église fantasmée n’existe pas.