La région unie luthéro-réformée est déjà une réalité vécue.

Devant les délégués luthériens, le pasteur Marc de Bonnechose, membre du groupe de réflexion pour la région unie, est optimiste. Ce groupe paritaire nommé en novembre 2016 par les deux synodes régionaux luthérien et réformé a rendu un rapport d’étape esquissant des propositions de rapprochement sur des points aussi sensibles que la liturgie, les bâtiments et la gouvernance. Car si les échanges de consentements ne manquent pas, les termes du contrat de mariage restent à définir.

Les 16 et 17 novembre derniers à l’église Saint-Marcel, les délégués luthériens de région parisienne ont pris acte avec reconnaissance de ce travail de réflexion, avant d’ajouter que celui-ci ne prenait pas assez en compte les interpellations du précédent synode régional luthérien. En novembre 2017, celui-ci avait souligné trois points sur lesquels les luthériens souhaitent des garanties. D’abord les quotas, afin que chaque confession soit représentée par au moins 1/5 des membres au conseil régional. Cette disposition est déjà prévue par la constitution de l’EPUdF. Ensuite, la possibilité pour toute décision de demander un vote par collèges confessionnels séparés, avec une majorité dans chaque collège. Mais la question la plus sensible est encore celle du rôle de l’inspecteur ecclésiastique. Pour des raisons à la fois culturelles et théologiques. Culturelle, parce que l’inspecteur incarne une figure importante à laquelle les luthériens sont traditionnellement attachés. Et théologique, parce que son existence relève de raisons doctrinales. Or le Conseil national a proposé aux synodes régionaux une modification de la constitution de l’EPUdF allant dans le sens d’un alignement du statut de l’inspecteur vers celui du président de région qui, pour les réformés, intègre déjà certains aspects du rôle de l’inspecteur.

Des préoccupations émergent

Côté luthérien, la moindre modification du statut de l’inspecteur est un motif d’inquiétude. Plus largement, les débats ont fait émerger certaines préoccupations sur le risque d’une centralisation excessive. En particulier pour l’autonomie des paroisses, mais aussi dans le domaine juridique. Le rapport d’étape propose que les bâtiments qui appartiennent actuellement aux consistoires deviennent propriétés de l’Église nationale. Plus important encore, le rapport du groupe paritaire pose des questions sur le plan théologique. Ce n’est pas son objet, mais il traite de théologie de manière implicite. En particulier lorsqu’il décrit la manière avec laquelle l’unité va se réaliser : dans l’idéal d’une unité de l’EPUdF, il est à souhaiter que chaque paroisse ou Église locale, qui selon ses statuts et son expression de foi est et demeure luthérienne ou réformée, soit porteuse des deux dimensions luthérienne ou réformée, que l’on soit à Brest, Périgueux ou Paris.

Pour le professeur de théologie dogmatique à l’IPT Frédéric Chavel, cette vision de l’unité est contraire à la théologie de la concorde de Leuenberg, pourtant citée comme référence par le même document. L’enjeu est le suivant : cherchons-nous l’idéal d’une uniformisation vers un luthéro-réformisme moyen ? Ou visons-nous d’abord une diversité réconciliée ? Souvenons-nous d’où nous venons, a exhorté l’inspecteur ecclésiastique Jean-Frédéric Patrzynski au moment de conclure le synode. En 2007, il n’était pas question que les deux régions confessionnelles puissent se réunir. L’inspecteur, qui avoue avoir beaucoup de rêves, en a alors formulé un nouveau : Je fais le rêve que notre synode en novembre 2019 sur l’écologie puisse se passer en commun, au moins en partie, avec les frères réformés.