Si le servage a été aboli en France en 1789, il existe encore au Pakistan où des personnes dépendent d’un maître et travaillent sa terre pour payer une dette à des taux prohibitifs. Nombre d’entre eux sont chrétiens.

Briqueter pour vivre

Près de Lahore cette forme d’esclavage se traduit par le briquetage, dont les dizaines de cheminées coniques crachent une fumée noire et toxique, qui irrite les narines et brûle les poumons. Accroupis, des hommes, des femmes, des enfants ramassent des mottes de glaise qu’ils pressent dans des moules rectangulaires. Des étendues de briques crues attendent d’être enfournées par des travailleurs pour l’essentiel chrétiens. Habitants dénués de tout, ils chantent pourtant, prient et louent Dieu du peu qu’ils ont. Là-bas, très peu d’enfants sont scolarisés et le système public est souvent discriminatoire. La paroisse française soutient ici onze enfants pour leur scolarité dans une école chrétienne, après avoir convaincu les parents de l’importance de l’éducation.

Des cultes malgré tout

Forte de sept lieux de prédication, dont quatre dans les briqueteries, la paroisse locale d’Enghien Fellowship Chapel soutenue par sa sœur française n’a pas de toit, sauf à Lahore. Des toiles en guise de murs et des bâches comme plafond permettent en général à 150 fidèles de participer aux cultes dans chaque lieu. Mais la situation est partout précaire, car si des villes accueillent parfois des quartiers où catholiques et protestants se regroupent, l’entente avec les musulmans est à la merci du moindre différend.

Accueillis à bras ouverts, les trois représentants d’Enghien en visite d’inauguration dans un temple que la communauté a financé ont ainsi pu noter la prudence dans l’organisation des cultes. Célébrer alors que des paroissiens armés sont postés aux abords du lieu de culte pour prevenir tout problème, marque bien cette prise de risque d’être chrétien au Pakistan. L’isolement de ces communautés ne les empêche cependant pas de chanter à tue-tête et les a incités à se fondre dans la culture ambiante. Ici, on se déchausse et on célèbre sur des tapis, les hommes d’un côté et les femmes voilées de l’autre, tambours et tambourins rythmant des chants aux sonorités principalement orientales.

Prêcher la libération concrètement

Parler du Dieu d’amour pour qui il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni libre, ni homme ni femme, résonne de façon particulière pour ces paroissiens dont une partie est illettrée, une autre lit la Bible en ourdou, certains seulement parlent anglais et peuvent traduire. Dans ce pays difficile, dire concrètement et physiquement que nous sommes frères et sœurs en Christ est donc un enjeu de taille, au-delà des guirlandes et des fleurs dues à l’accueil des rares visiteurs européens. Ces thématiques résonnent même comme une libération au milieu du danger d’être chrétien. On est d’ailleurs frappé par la gaieté des fidèles, enfants en tête, qui organisent des concours de récitation biblique pour le plaisir, sortes de défis sanctionnés par des applaudissements !

Pour les paroisses en France, de tels partenariats sont non seulement un enrichissement culturel et humain, mais témoignent de la force de l’Évangile, partagé entre des personnes et des cultures d’une variété infinie, dans une fraternité réellement émouvante.