Mais comment gérer la suite ? Joëlle Wetzstein nous a confié son expérience.

Certains l’avaient oublié. Les paroisses de ville faisaient assaut d’ingéniosité pour affronter la crise sanitaire et une dissémination forcée. Beaucoup de conseils presbytéraux se demandant si tous les paroissiens reviendraient, centraient leurs actions vers eux. La province troyenne paraissait bien loin des préoccupations quotidiennes.

À la même enseigne

À Troyes, les enjeux ne sont pas les mêmes. Joëlle Wetzstein en témoigne en souriant : « la dissémination, c’est ici le quotidien. La paroisse représente un département entier, toute l’Aube. Par chance Troyes est à peu près au centre, mais certains paroissiens sont à une soixantaine de kilomètres, ou trois quarts d’heure de voiture. Autant dire qu’ils savent pourquoi ils viennent ». De sa petite voix tranquille, elle s’étonne même d’avoir eu l’impression que toutes les paroisses avaient été logées à la même enseigne. « Avec la distanciation, tout le monde vivait la dissémination, y compris en ville. Ce qui nous gêne nous, c’est l’impossibilité de faire des rassemblements importants », parce qu’une paroisse aussi étendue valorise les rassemblements, les cultes de familles, les repas, la convivialité systématique. Quand on fait des kilomètres, on en profite.

Une habitude de liens

L’impossibilité de se voir est cependant relative. Brienne-le-Château est à cinquante kilomètres de la ville, une Église de maison rassemblant des villages alentour. Quelques points de rencontre ont ainsi été établis au fil des ans dans le département et regroupent les familles. En ville on conçoit des Églises de maison pour évangéliser à distance ; ici l’Église est naturellement de maison, les gens se connaissent de village en village depuis parfois des générations, les liens locaux existent. Un culte de maison se vit autour d’une table où chacun participe : à Brienne ils étaient une quinzaine de personnes avant le Covid. On célèbre, on échange sur les textes bibliques et les nouvelles, on goûte ensemble. « Certains anciens ne sont pas venus pendant un moment », conclut Joëlle, « on était six au lieu de quinze, mais les autres étaient à portée de voix. Dans une paroisse comme celle-là, on change son regard sur la communauté, on co-voiture, on téléphone ». Lorsque la pasteure a pris son téléphone pour prendre des nouvelles, elle s’est rapidement aperçue que tout le monde le faisait.

Contacts et questions à venir

Bien sûr, la paroisse a mis en place des cultes vidéo malgré le surcroît de mobilisation nécessaire et parfois le choc technologique. Cela a permis par exemple d’intégrer des apports des enfants de l’école biblique et des catéchumènes aux moments les plus stricts des confinements et pallier les difficultés de rencontres des séances mensuelles. Les vidéos ont diffusé largement et généré des questions, des demandes de contact. « C’est intéressant de voir les paroissiens assumer encore davantage leur rôle de passeurs de la Parole auprès de leurs proches », témoigne la pasteure. Un effet inattendu qui renforce les liens et l’engagement. Une question demeure : faudra-t-il arrêter les vidéos en fin de crise sanitaire ? « La diffusion dépasse la paroisse et Zoom gomme les kilomètres », réfléchit-elle. « Mais la question du maintien se pose, pour ne pas risquer un désengagement par la facilité d’une communication virtuelle ». Certaines actions s’y prêtent comme les études bibliques, prières ou cultes. Pour d’autres c’est plus délicat et moins rassembleur. Mais devant la mobilisation des paroissiens qui se muent en acteurs, sans doute faudra-t-il continuer d’une manière ou d’une autre, notamment par des témoignages ? Une manière de montrer que la dissémination n’est pas une fatalité.