Pourquoi la paroisse de Saint-Pierre rend-elle ce moment plus intense et plus attractif ?

À leur arrivée, vers 19 heures, les paroissiens sont invités à s’installer autour de la table dressée au milieu des bancs de l’église. Devant eux, une assiette composée de pain azyme, d’herbes amères, de confiture de pâque (harosset), de miel et un petit gobelet d’eau vinaigrée. Un enfant demande alors : – En quoi cette nuit est-elle différente des autres nuits ? – C’est la nuit de commémoration du passage ! Chaque participant est amené à « se souvenir », à revivre le repas de Pessah, le Seder, le temps rythmé par différentes lectures bibliques de l’Ancien Testament, tels le psaume 51 et dans le livre 12 de l’Exode, les versets 1 à 11.

Que signifient ces mets ? Qu’est le repas de Pessah ?

C’est la Pâque juive, célébrée lors de la sortie d’Égypte, toujours fêté aujourd’hui. Pain sans levain, herbes amères – romaine, raifort et endive –, eau vinaigrée, figurent l’état de souffrance et l’amertume du peuple juif en captivité. La confiture faite de fruits secs, pommes, raisins, vin parfois selon les traditions et le miel rappellent les moments de joie de la vie et préfigurent la liberté retrouvée.

Vous lisez aussi des textes du Nouveau Testament ?

Oui, par exemple 1 Cor 5.6-8, qui nous enseigne que la fête est célé- brée avec du pain sans levain, dans la pureté et dans la vérité. Sur la table, les douze bougies installées autour d’une plus grande symbolisent les disciples entourant le Christ, la lumière centrale. Pendant cette célébration, chaque personne est appelée à prendre conscience que ce repas n’est pas qu’un simple « faire mémoire » d’un peuple libéré de l’esclavage mais à se regarder comme étant lui-même sorti d’Égypte, conduit à son tour de la servitude à la liberté.

Quel sens cela a-t-il de célébrer, en contexte chrétien, le repas de la Pâque juive ?

À l’image des disciples rassemblés autour de Jésus pour se souvenir de cette libération, pour ce repas de fête, le participant est conduit à communier à la vie et à la mort du Christ. L’ambiance devient de plus en plus pesante. Progressivement, les bougies qui avaient été allumées au début de ce repas s’éteignent. Il n’en reste qu’une, celle du Christ, abandonné de tous. Le Jeudi saint est le dernier repas que le Christ prend avec ses disciples, avant son arrestation. Il symbolise, aussi, l’institution de la sainte cène. Chaque participant à l’image des disciples laisse derrière lui la table déserte. L’ambiance est lourde. Tous ont vécu et ressenti à leur manière la tragédie qui s’est jouée ce fameux soir. Les jours qui suivent vont renforcer l’intensité de ce jeudi soir. Vendredi, il faudra affronter la passion et la mort. Le samedi, la douleur de la solitude et du deuil. Le dimanche matin, les personnes rassemblées le jeudi sont là, dans l’attente de résurrection, celle du Christ, mais aussi la leur, car ce jeudi soir, à ne pas en douter, quelque chose en eux était mort et retrouve vie à la lumière du matin de Pâques.