L’homme est posé. Le large sourire qui éclaire son visage ne le quittera pas de tout l’entretien. Le jeune retraité a atteint une forme de sérénité. D’emblée, il en donne la recette : voyager, lire, voir ses petits-enfants et avoir un peu plus de temps libre. Le dernier point est sans doute le plus difficile à préserver, il faut se battre, précise-t-il. En effet, il aime diversifier ses engagements. Il se présente comme l’antithèse de l’officier Giovanni Drogo dans Le Désert des Tartares de Buzzati, attendant sa vie entière le combat sur une frontière oubliée. Pour cela, il garde une activité bénévole principale et sur des sujets qui le passionnent, comme l’aménagement du territoire avec l’internet en très haut débit ou le logement social. Ainsi, au Centre d’action sociale protestant (Casp) qui accueille annuellement, sous des formes très diverses, de l’ordre de 60 000 personnes, il est d’abord bénévole de terrain. Une journée par semaine à la « Maison dans la rue », un accueil de jour où les personnes peuvent avoir un café, des douches, des lave-linges, un accès à des médecins, un accompagnement psychologique et des prises pour recharger leurs smartphones. C’est en venant à l’Assemblée générale qu’on lui a proposé d’être administrateur, puis membre du bureau et enfin l’un des vice-présidents.

Un parcours en mouvement

Je suis protestant mais pas très pratiquant, s’excuse-t-il. Nous avons retrouvé l’acte de baptême de ma grand-mère à l’Étoile en 1887, c’est toujours notre paroisse. Nous avons connu d’autres paroisses au gré des nominations. La vie de communautés très différentes comme Rouen et Paris avec des familles très implantées. La Corrèze avec une Église très disséminée, composée en grande partie de fonctionnaires. Il a moins connu celles de La Roche-sur-Yon et Amiens, car les enfants étaient déjà grands. Il aime cette diversité qu’il a vécue dans son activité professionnelle. Pendant quelques mois, il a même été directeur général de la candidature d’Annecy 2018.

Ses 43 années au service de l’État, dont la moitié dans le corps préfectoral, l’ont amené à souvent déménager. C’est d’ailleurs difficile pour la famille, la nouvelle peut arriver deux semaines et demie avant. Pour les préfets, il y a toujours le risque d’être un fusible, c’est normal et injuste à la fois, précise-t-il, on le sait, pour être renvoyé, il suffit d’un Conseil des ministres. Mais cela n’est pas vécu comme une menace. La mort du préfet Claude Erignac reste un souvenir vivace et douloureux. Il n’y a pas une cause qui justifie qu’on s’en prenne à lui parce qu’il est représentant de l’État. La tâche des préfets consiste à mettre en place la politique du gouvernement. Pour cela il faut connaître les personnes, convaincre les élus.

Des découvertes formatrices

Ce service de l’État, il l’entrevoit dès ses études. Adolescent, c’était le début de la Ve République : un vent nouveau, se souvient-il. J’ai été façonné par le catéchisme et deux pasteurs très différents : André Barnaud plus messianique et Richard Sautter plus rationnel.
Le groupe de jeunes était aussi celui des moniteurs de l’école du dimanche. Il a retrouvé des amis du catéchisme lors de ses études. Il y a une proportion plus importante de protestant chez les fonctionnaires d’État, même si la causalité n’est pas évidente. Peut-être dans l’envie de servir, hasarde-t-il.

Les voyages sont un autre lieu de découvertes. Avec sa femme, ils programment un grand voyage par an : l’Iran, la Tanzanie et bien sûr régulièrement le Japon, pays d’origine de sa femme. Et aussi d’autres plus petits, une capitale européenne ou un petit coin de Bretagne. Après le voyage, il faut encore trier les photos et confectionner les albums… Dans toute cette diversité, la famille reste son pilier avec sa femme, ses trois fils, et ses cinq petits-enfants âgés de 14 ans à 6 mois. Ils sont une bonne compensation à l’âge.