Le terme Mission n’est plus tabou. Si la Société des Missions d’antan donnait au mot un sens d’évangélisation et d’éducation envers des populations colonisées, les mouvements d’indépendance en ont transformé le but, enlevant la majuscule du mot et visant une coopération entre Églises et le sou-tien à des projets de terrain. Depuis, la mission se cherche un équilibre. La création du Défap en 1971 a permis de marquer l’évolution vers des partenariats, puis de considérer que les Églises étrangères devaient être soutenues dans leurs propres projets. Mais cela ne suffisait pas. Le terme même de Mission restait teinté de sa majuscule et pour de nombreuses personnes, de son histoire coloniale et d’un relent de supériorité associé aux relations Nord-Sud.

Au-delà de la géographie

Le virage des années 80 a relativisé la problématique Nord-Sud en dépas-sant le cadre géographique de la mission. Tous les pays sont donc concernés au même titre. Le Défap a donc développé la coopération interecclésiale et la formation de ses envoyés, soutenu les échanges théologiques, professoraux, étudiants. Le terme de Mission, longtemps tabou, doit aujourd’hui retrouver sa beauté et se partager entre frères pour retrouver sa majuscule par la grandeur de la tâche accomplie. L’enjeu est important. Il sous-entend que les Églises gauloises ont un travail de réappropriation à effectuer, tant sont encore présentes dans les esprits certaines traces d’antan.

Se réapproprier les mots

Si la Mission c’est l’Église en acte, il importe alors de ré-insuffler localement l’esprit d’engagement de cette Église missionnaire. En jouant sur les mots, les verbes convoqués par la Mission, le Défap proposera aux paroisses d’entrer dans la démarche, d’en être les ambassadeurs. Dix mois pour marquer cinquante ans de mission, dix mots pour marquer que la Mission est au cœur de l’Église et indissociable de la foi quotidienne. Chaque mois, cette opération « Dis-moi la mission ! » sera déclinée sous plusieurs angles d’animation : réflexion, catéchisme, culte, témoignage, etc. C’est une manière habile de faire entrer le débat au cœur des communautés et un travail colossal. La prise de conscience est à ce prix.

Au cœur de l’Église

Il existait il y a quelques années des correspondants locaux du Défap, dont l’organisation s’est étiolée au fil du temps. Le nouveau projet ne vise pas forcément à remettre en place des correspondants locaux, ce qui risque-rait de générer un effet de délégation, la paroisse pouvant se reposer sur les épaules du représentant officiel sans plus avoir à y penser. La Mission se vit au contraire au cœur de la communauté, comme le scoutisme ou l’Entraide. Les conseils presbytéraux seront invités à partager l’expérience des envoyés de retour. Des ateliers de la mission, sorte de colloque initialement prévu en 2020 et reporté à 2021, devraient pouvoir bénéficier des premiers résultats de ces réflexions et interroger les fondements anthropologiques de la mission. Aujourd’hui, la Mission se pense en termes de missions croisées, de for-mations interdépendantes, de théologies contextualisées. Cela remet en débat le sens même de nos théologies, lorsque l’on s’aperçoit que des concepts vécus comme universels sont en fait contextuels. Un gros travail commence, dont nul ne connaît encore les implications. Il peut sans doute redonner au joli terme de mission sa si symbolique majuscule.