Le culte présenté comme anti-GCO à Vendenheim puis la convocation de la pasteure de Kolbsheim, Caroline Ingrand, par la gendarmerie à la suite d’une manifestation devant les engins de Vinci en septembre dernier ont suscité les passions. Certains pensent qu’un pasteur n’est pas là pour « faire de la politique » quand d’autres estiment le contraire. Rudy Dreyer, paroissien à Pfulgriesheim, a assisté à ce fameux culte. « Je ressens le projet du GCO comme une atteinte à la création et je ne comprends pas qu’on s’offusque de célébrer un culte dédié à elle. L’UEPAL s’était fortement engagée lors de la Cop 21 en faveur de la décroissance et, aujourd’hui, je ne trouve pas normal qu’elle ne prenne pas position.» Pour Rudy Dreyer, les pasteurs et les protestants en général ont un rôle politique à jouer. « Quand on a des convictions, il faut le dire. »

Ce n’est pas l’avis de Jean-Pierre Leibenguth, habitant à Blaesheim et organiste pour plusieurs paroisses. Marqué par l’époque des prêtres ouvriers, il estime que la religion est une chose, la politique en est une autre. « J’ai été choqué par l’intervention de la pasteure de Kolbsheim. Ce n’est par leur boulot, aux pasteurs. En dehors du culte, ils peuvent donner leur avis mais sans être affirmatif. Je pense qu’ils devraient rester diplomates et ne pas prêcher leurs idées. » Une paroissienne de la Robertsau à Strasbourg, qui assiste au culte régulièrement, estime que « les pasteurs font partie de la société, ils peuvent s’engager et parler publiquement. Mais j’attends au culte une attitude différente. Personnellement, j’y vais pour prendre du recul par rapport à ma vie quotidienne. »

Interpeller et agir avec discernement

Anne-Sophie Hahn s’est engagée contre le GCO et avait pris part au culte interparoissial de septembre dernier en tant que pasteure de Pfulgriesheim. « Un pasteur est concerné par les questions politiques comme n’importe quel citoyen acteur de la vie du monde, estime-t-elle. Notre travail est d’interpréter la Bible, qui n’est pas détachée des questions économiques et sociales d’aujourd’hui. Le Christ s’est aussi ‘coltiné’ des questions sociales clivantes.» La pasteure est néanmoins consciente de la limite d’un tel exercice au sein d’un culte, celui d’une tribune offerte sans répondant en face. Ce n’est pas dans cet esprit en tout cas qu’elle a voulu coanimer ce dernier. « L’Église doit être un lieu de débat, sinon on s’enferme dans un club. Cela ne me gêne pas que l’Église puisse déranger les gens. » Pour Anne-Sophie Hahn, la question du GCO va plus loin que la construction d’une route supplémentaire : « Cela concerne le monde dans lequel nous voulons vivre et notre projet de société pour bien vivre ensemble. » Membre de l’association Comprendre et s’Engager et de la Commission des affaires sociales, politiques et économiques (Caspe) de l’UEPAL, la pasteure regrette que l’Église ne prenne pas toujours de positions claires « pour ne pas diviser les gens » alors qu’elle invite par ailleurs ses membres à s’engager dans la société. « Interpeller, c’est notre rôle et on peut le faire sans imposer et en restant ouvert. »

« On reproche souvent à l’UEPAL de ménager la chèvre et le chou mais ce n’est pas vrai, répond Christian Albecker, président de l’UEPAL. Notre rôle est d’offrir un espace de débat, d’informations et une prise de recul plutôt que des positions tranchées et dogmatiques. Après mai 68, les Églises ont pris position sur tout et souvent cela devenait des vœux pieux. Le GCO est une question complexe mais la vraie question est de savoir de quelle manière nous allons sortir du tout-voiture. » Christian Albecker estime que l’Église doit avoir le souci du plus faible et ne pas laisser certaines personnes de côté. Pour lui, le culte ne peut pas être un meeting pour militants même s’il reconnaît aux pasteurs leur liberté de parole qu’ils doivent exercer « avec discernement ».