Sous les guirlandes et le chocolat, il n’est pas toujours facile de maintenir un minimum de sens religieux à la fête, mais les Églises apprennent à s’adapter. Le mois de décembre est bien là, l’énervement monte dans beaucoup de familles. Il y a les cadeaux à acheter, en avance si possible pour éviter l’affluence des derniers jours. De quoi les enfants ont-ils envie cette année ? Le jouet à la mode sera-t-il en rupture de stock ? Il y a aussi le menu « des fêtes » : faut-il commander sa dinde ou son chapon ? Le foie gras ou le saumon ? Mais comment faisait-on, avant ?

Spécificité protestante

En un siècle, la pratique a beaucoup changé. Il n’y a pas si longtemps, fêter Noël était sensiblement différent entre familles protestantes et catholiques. Chez les protestants, pas de dîner de réveillon. Le 24, on dressait le sapin en accrochant des oranges ou des mandarines, puis avant d’aller se coucher, les enfants plaçaient leurs pantoufles devant la cheminée. Le jour du 25, on ouvrait les cadeaux puis tout le monde se rendait au temple où le pasteur célébrait le grand culte de Noël. À la fin du culte, autour du sapin lui aussi chargé d’oranges, on décrochait celles-ci pour les distribuer à tous et on chantait, bien sûr, Mon beau sapin. Ensuite chacun rentrait chez soi pour le déjeuner de fête, suivi d’un grand goûter pour les enfants.

Chez les catholiques, les familles dressaient la crèche le 24, sans l’enfant Jésus que l’on plaçait seulement en rentrant de la messe. Pas de sapin, cette invention protestante ! On se rendait à l’église tard le soir, car la messe était célébrée de façon à ce que la communion soit donnée juste près minuit, aux premières minutes du 25. Le repas de fête attendait les fidèles – qui étaient restés à jeun pour pouvoir communier, donc mourant de faim – au retour de la messe.

Dilution générale

De nos jours, le déroulement des événements s’est modifié et uniformisé dans une large mesure. D’abord, il y a les nombreux Noëls qui se succèdent : celui de l’école, des grands-parents, de l’entreprise des parents, éventuellement des associations auxquelles on appartient… Au temple, il y a le culte des enfants de l’école biblique, organisé le dernier dimanche avant les vacances scolaires, c’est-à-dire une quinzaine de jours avant Noël. Le jour J, chacun est déjà passablement fatigué, les jeunes préfèrent dormir tard et ouvrir leurs cadeaux tranquillement. Finalement, ce qui était le plus important, le culte du 25 à 10h ou 10h30, est devenu moins fréquenté, même par les familles pratiquantes. De nombreuses Églises locales se sont adaptées et proposent des variantes, sous la forme d’une veillée le 24 (à 19h ou 19h30, ce qui ne compromet pas le dîner du réveillon), où se retrouvent les jeunes qui ne sont pas partis en vacances, ou qui sont revenus au bercail pendant quelques jours. Bien souvent, cette veillée connaît un grand succès, car tout le monde peut s’y rendre facilement ; c’est un moment important et chaleureux dans la vie de la communauté.

Certes, on peut toujours se lamenter sur la perte des traditions, mais finalement ce n’est peut-être pas si grave. Culte des enfants, veillée du 24 ou culte du 25, chacun sait que Jésus n’est pas vraiment né un 25 décembre ; ce qui compte est de parvenir à donner du sens à tout cela et à faire une pause au milieu de l’effervescence, se souvenir de la raison pour laquelle on fait la fête : la naissance du Christ. Et cela, depuis un peu plus de 2 000 ans, n’est pas prêt de changer.