Tim, âgé de 10 ans est assis avec sa famille sur le banc du temple. Ils ont réveillonné la veille autour du sapin de Noël. Le lever a été difficile car il a fallu suivre ses parents au culte du matin du 25 décembre. Le voilà maintenant à écouter le pasteur donner sa prédication. D’une demi-oreille il a entendu l’habituel récit de la naissance de Jésus et de l’autre demi oreille il écoute les paroles prononcées. Il capte au passage quelques mots : lumière, messager, berger, bonne nouvelle, paix ; rien de nouveau par rapport à ce qu’il a appris à l’école biblique.
Dans un demi-sommeil, car la nuit a été courte, il bute sur le terme d’incarnation que plusieurs fois le pasteur mentionne. Et voilà sa pensée divague, voyage. Incarnation, incarnation… un mot savant d’adulte qu’il ne comprend pas mais qui rime avec ongles incarnés. Aux dernières vacances, lors d’une longue randonnée familiale, les amis de ses parents ont souffert d’ongles incarnés. Ils ont souffert le martyre. Y a-t-il un lien entre incarnation et ongles incarnés ? Son esprit vagabonde; il est ailleurs. Oui, Jésus a lui aussi beaucoup marché. Il a foulé au pied la terre de Palestine passant d’un village à l’autre. Il a emprunté les routes qui mènent en Galilée, à Jérusalem. Il a souffert à la chaleur du désert, aux pierres rocailleuses des chemins. Dans sa chair, il a connu la peur, les pleurs, les fatigues de la route et apprécié qu’on lui lave les pieds. Ce Jésus a rejoint les hommes et les femmes de son temps dans la poussière et leur misère.
Incarnation… un mot savant d’adulte qu’il ne comprend pas
Tim sursaute. Sa maman vient de lui donner un léger coup de coude dans les reins. Le pasteur fait du surplace. Ce mot savant d’incarnation résonne encore à ses oreilles. Il replonge dans un demi-sommeil. Ce mot d’incarnation fait écho cette fois-ci à celui de carnivores. Hier à l’école, l’institutrice a évoqué les carnivores, souvent agressifs, dévoreurs de chair. Y a-t-il un rapport entre l’incarnation et les carnivores ? Son esprit voltige ; il est loin de tout. Jésus, homme de chair a connu les pires tentations. Au désert, il a rencontré les animaux sauvages, fait face à la fascination de l’avoir, du pouvoir, de l’illusoire. Les forces du mal ont cherché à le déchirer, à le détourner de sa vocation de Fils de Dieu. Son corps à la croix a du subir les effets de la cruauté et de la dureté de cœur.
Brutalement Tim sort de ce mauvais cauchemar, d’autant que le pasteur a cessé de parler pour repartir de plus belle sur cette notion d’incarnation. Il n’a que ce mot à la bouche. Tim trop fatigué somnole à nouveau. Il associe cette fois-ci le mot d’incarnation à celui de réincarnation. Il est vrai que la semaine dernière en classe il a étudié les croyances du bouddhisme. Ses pensées zigzaguent. Il est parti. Jésus serait-il la réincarnation de quelqu’un d’autre ? Ne l’a-t-on pas pris pour Élie, pour Jean-Baptiste, pour Jérémie ? Non, Jésus est unique. Il est né juif sous Hérode. Il a manifesté de manière unique en paroles et en actes l’amour de Dieu, pour les humains. Il est la parole de Dieu venue en chair. Cet amour de Dieu me rejoint et me fait savoir que je suis unique avec une existence unique à construire avec lui, au milieu des autres. Tim sursaute. Un amen tonitruant parcourt tout le temple. Le voilà réveillé et la prédication terminée. A-t-il été totalement sourd aux paroles du pasteur ? Non, le mot d’incarnation a résonné en lui, le conduisant vers des terres nouvelles. Est-ce sous l’effet du Saint-Esprit ? Il a vécu encore Noël, l’incarnation d’une Parole que le pasteur ne maîtrise pas et qui a fait chemin en lui.