Si ce véritable renouveau doit encore être consolidé, il peut servir de modèle à des paroisses en difficulté de l’EPUdF.

Par J.-F. Berger, président du CP de Dreux-Marsauceux.

On accède aujourd’hui au temple en traversant une cour joliment décorée, parsemée de plantes, de petites tables et de chaises de jardin. Un narthex marque l’entrée des lieux. L’œil habitué aux édifices religieux s’attendrait à voir là un traditionnel présentoir en bois sombre avec sa pile de recueils de cantiques usés et de prospectus défraîchis. Au lieu de cela, un bar, des canapés moelleux et des fauteuils dans des couleurs fraîches. Le narthex est devenu un sas où l’odeur du café donne l’occasion d’une pause et d’entendre, tout proches, les accents d’une louange joyeuse. La porte est ouverte.

Tout ici est pensé pour l’accueil du visiteur et du paroissien : se sentir chez soi dans un environnement de qualité est une première étape pour marquer la joie et le naturel de la prière et du partage de la Parole, on entre dans une communauté chaleureuse.

Repartir de l’existant

En juillet 2019, Saint-Germain s’engage avec l’accord de la région à redonner vie à la paroisse de Dreux, à 70 km d’elle. À l’arrêt complet depuis trois ans, son presbytère mis en vente avec une partie des locaux paroissiaux, cette église chargée d’histoire s’est déchirée puis étiolée jusqu’à cesser toute activité ; elle menace de disparaître…

Face à ce champ de ruines, un projet est rapidement mis sur pied : une convention permet un mi-temps pastoral et la venue de volontaires de Saint-Germain. Un comité d’accompagnement est constitué de représentants EPUdF du niveau national et régional, du consistoire et des deux paroisses.

À l’arrivée de la nouvelle équipe, le constat est très sombre : dettes, courriers d ’ huissiers, dégâts des eaux, cessation d’activité et paroissiens évaporés… Tous les voyants sont au rouge. Une intervention est organisée d’urgence depuis la grande sœur des Yvelines ; un bataillon de paroissiens motivés prend en charge les travaux pour une réouverture dès la rentrée de septembre 2019. La rénovation est en marche, tandis qu’une réflexion est menée sur les changements de fond à apporter.

Une simple modification de décor ne suffira pas, une évolution radicale de pensée est indispensable.

Tous tendus vers le même but

La première réflexion se fonde sur un constat : jusqu’alors, la paroisse de Dreux s’épuisait, fréquentée par des paroissiens de toujours, nourris de culture protestante mais âgés voire très âgés pour la plupart. Afin de faire renaître une communauté, l’idée est de partir du principe que le temple doit avant tout être un lieu de joie et de vie où chacun se sent encouragé dans sa foi et sa prière. Il faut pour cela de la lumière, une atmosphère de paix, une réelle qualité acoustique et des outils de communication modernes : tout est à reprendre.

Dès les premières semaines, la ruche des bénévoles s’attache au redémarrage. Grâce au soutien financier de la paroisse-sœur, les vieux bancs en bois dur sont remplacés par des chaises confortables, la peinture est refaite, la sonorisation est impeccable et l’éclairage est transformé ; le vieil harmonium laisse place à un piano numérique ; enfin, un grand écran TV permet à tous de suivre, de manière dynamique et moderne, chants, lectures bibliques et informations sur la vie de l’Église.

Tandis que la région EPUdF se charge de régler les dettes dont certaines remontent à 5 ans…, l’équipe de paroissiens de choc venus de St-Germain, pasteur en tête, investit les lieux pour créer les conditions d’un redémarrage spirituel dynamique ; le résultat est là : avec ou sans Covid, les cultes ont pu reprendre le 8 septembre 2019, à la date annoncée, et se poursuivent sans interruption depuis cette rentrée 2019.

La revitalisation doit être pensée et organisée

Cet exemple d’essaimage réussi est exportable en d’autres lieux, mais il pose une question centrale pour toute Église : comment piloter le changement du cadre d’une paroisse pour y générer l’évolution des mentalités et dynamiser la communauté ?

Il apparaît indispensable de transformer les vieux codes du protestantisme « entre soi » pour les rendre accessibles à nos contemporains. Il faut avant tout une proclamation de l’Évangile, vivante, puissante et inspirée ; il faut aussi une fraternité forte vécue entre tous dans la reconstruction, et enfin une attention aux détails pour créer un cadre de vie réellement accueillant.

Remplacer une lumière crue par des éclairages indirects apporte la chaleur nécessaire au recueillement et une atmosphère plus intime. Apporter le confort d’un mobilier moderne permet à chacun de se recentrer sur l’essentiel.

La communication est tout aussi primordiale : la diffusion du culte et d’une prédication de qualité sur les réseaux sociaux permet de se faire connaître. Le groupe hebdomadaire de partage biblique et de prière réunit en visioconférence la plupart des paroissiens engagés dans l’Église et soutient chacun dans les difficultés. Les informations par newsletter facilitent les échanges et atteignent facilement les personnes intéressées. La musique s’avère primordiale : suppression des vieux recueils de cantiques « Alléluia ! », remplacés par une louange contemporaine (Hillsong, Dan Luiten, Samuel Olivier, Glorious, Impact, etc.).

Enfin, les nombreuses journées de travaux de remise en état du temple et des locaux paroissiaux créent un esprit « pionnier » et fraternel.

La prière, clé absolue du projet

Malgré la débâcle de leur Église, un petit noyau des derniers paroissiens de Dreux avait continué à se réunir dans le petit temple secondaire de Marsauceux ; ils y avaient prié avec foi pour un miracle, qui est intervenu en 2019 !

C’est dans la prière que se fit la première visite, en mai 2019, très émouvante, du temple vide de Dreux, glacial, sans lumière ni eau courante, par un groupe de Saint-Germain, et qu’une conviction est alors née. Le projet a dès lors pris forme : St-Germain doit accompagner la paroisse mourante de Dreux pour la rouvrir, si possible dès la rentrée 2019. Enfin, le projet, avant d’être présenté au CR région parisienne, a été soutenu et est accompagné par les groupes de prière de St-Germain.

Un engagement possible pour d’autres paroisses

La réussite de ce projet s’explique par la combinaison de plusieurs facteurs : l’engagement inspiré et dans la durée d’une église-sœur en pleine croissance, le soutien de la Région et l’action du Saint-Esprit.

Les quelques paroissiens « survivants » de Dreux ont rejoint avec enthousiasme les forces nouvelles venues de Saint-Germain.

Rien n’a été laissé au hasard dans la composition de l’équipe : pasteur très motivé, membres du Conseil, équipiers, musiciens, familles entières et donateurs se sont engagés sur deux ans au moins pour une mobilisation régulière au sein de Dreux, devenue leur nouvelle paroisse. Ce cœur de communauté a ainsi su faire corps et porter la dynamique du vent de l’Esprit.

Au 19e siècle, un profond mouvement de « Réveil » avait dynamisé en France les Églises protestantes, suscitant dans beaucoup d’entre elles le désir d’annoncer l’Évangile, ce qui leur permit d’essaimer et de créer de nouvelles communautés. Aujourd’hui, un tel mouvement de réveil spirituel est possible à nouveau pour dynamiser des paroisses devenues, hélas, souvent vieillissantes et affaiblies.

Que chacun se rassure : il n’est nul besoin d’être un gros navire pour soutenir et dynamiser d’autres lieux. Il s’agit uniquement de répondre à un appel, à la conviction profonde que la Croix, c’est-à-dire le Salut gratuit offert à tous par le sacrifice de Jésus-Christ, doit être annoncée, proclamée, au-delà des murs et des habitudes.

À l’image de l’Église d’Angleterre qui décida (en 2017) de créer ou revitaliser une centaine de paroisses à Londres, les projets de revitalisation interne ou externe sont à la portée de beaucoup de nos paroisses EPUdF, pourvu qu’une équipe forte et inspirée du Saint-Esprit puisse y être constituée et envoyée en mission !