Église et service social. Service social et Église. L’Armée du Salut est tout cela à la fois. Et de fait, depuis l’an 2000, ces deux actions sont séparées en deux structures administratives distinctes : la Congrégation et la Fondation. Cette partition a été souhaitée pour des raisons de clarté dans la gestion des comptes des établissements gérés par l’Armée du Salut, ces derniers percevant des subventions publiques de l’État, des départements et des communes. La séparation est intervenue en deux temps. En 1994, la Congrégation est créée, regroupant les différents postes d’évangélisation à travers la France et les officiers et officiers retraités, qui y sont tous rattachés. Aujourd’hui, ces postes sont au nombre de 26, animés par 66 officiers actifs et 101 retraités. Ce sont eux qui portent les activités d’évangélisation proprement dites (rencontres cultuelles et études bibliques, Ligue des femmes, etc.), les activités de jeunesse, dont le mouvement de scoutisme des Porteurs de Flambeaux, et les activités sociales de proximité et d’urgence. En de nombreuses villes de France, les postes de la Congrégation sont ainsi connus par leur vestiaires ou leur cours d’alphabétisation, ainsi que par les Soupes de nuit, mises en œuvre à Paris durant l’hiver 1982. La Fondation est, elle, créée en 2000, faisant suite à l’Association des œuvres sociales et de bienfaisance, pour la gestion des établissements, 52 au total aujourd’hui.

Secourir, accompagner, reconstruire

Si la devise de l’Armée du Salut demeure depuis sa fondation Soupe, savon, Salut, elle se traduit aujourd’hui dans sa communication par le slogan Secourir, accompagner, reconstruire. Cette devise et ce slogan restent fidèles à la vision de son fondateur William Booth comme le rappelle le lieutenant-colonel Sylvie Arnal, Secrétaire nationale de l’Armée du Salut : Je ne peux pas apporter l’Évangile à quelqu’un qui a les pieds mouillés et l’estomac vide. Pour redonner sa dignité à quelqu’un, il faut d’abord répondre à ses besoins vitaux. Cette réponse est souvent d’abord dans l’urgence : secourir, c’est la soupe pour nourrir le corps. Puis, prendre le temps avec lui, c’est l’accompagner, c’est le savon, pour enfin espérer le reconstruire, dans sa dignité, par la bonne nouvelle du Christ, c’est le Salut qui peut être annoncé.
Les 52 établissements de la Fondation Armée du Salut mettent en œuvre cette devise à travers plus de 140 services organisés au sein de trois départements : enfance ; soin, handicap et dépendance et inclusion sociale. Près de 2 500 employés y travaillent, accompagnés de plus de 3 000 bénévoles. Ce sont principalement ces bénévoles, officiers, soldats ou membres de l’Armée du Salut qui font le lien entre Congrégation et Fondation, explique Sylvie Arnal. Chacun de nos établissements doit rédiger un projet d’établissement, révisé tous les cinq ans, dont un point est consacré à la question de l’accompagnement spirituel au sein de l’établissement. Ce sont les officiers des postes d’évangélisation qui mettent en œuvre cet accompagnement, principalement à travers des actions d’aumônerie et d’animation au sein des établissements.

Répondre aux besoins de la société

Si l’Armée du Salut s’est investie dès le XIXe siècle dans l’aide sociale d’urgence – vestiaires, soupes – puis principalement dans des grands centres sociaux – Palais du Peuple, Palais de la Femme –, son activité s’est fortement diversifiée ces dernières années. Répondant aux urgences et aux situations de précarité de notre société, l’Armée du Salut a particulièrement attiré l’attention des pouvoirs publics sur la précarité des sans-domicile fixe des grandes agglomérations dans les années 1980, démarrant les Soupes de nuit en 1982, ouvrant les stations de métro comme abris d’urgence hivernale en 1983. Aujourd’hui, elle a investi le champ de la vieillesse et des soins sanitaires. La Fondation gère ainsi en 2015 neuf établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). L’actualité de ces dernières années l’a également poussée à réfléchir et à agir face à l’urgence de l’accueil des réfugiés, à la création d’établissements pour enfants et jeunes avec troubles psychiques, à l’insertion, ou à l’accompagnement de l’autisme. Cela conduit parfois à des situations extrêmement tendues et complexes, souligne Sylvie Arnal. Il nous faut maintenir ce que nous avons déjà tout en imaginant d’autres champs d’action. Parfois reprendre d’autres établissements tout en essayant de « réhumaniser » ceux que nous possédons, en particulier en les rénovant pour offrir plus de confort. Ainsi en est-il du Palais de la Femme à Paris, où nous sommes passés de 630 lits en hébergement collectif à 300 chambres individuelles.

Partager le pain, c’est partager le Christ

Dans ces établissements, mais aussi dans l’action sociale des postes d’évangélisation, l’Armée du Salut est en lien et en relation avec nombre d’autres Églises protestantes. Nous vivons beaucoup de temps de rencontres, de prières, mais aussi d’actions communes concrètes avec d’autres Églises, précise Sylvie Arnal. Elle relève cependant que dans le regard d’autres Églises, l’Armée du Salut n’apparaît pas toujours comme une Église à part entière. Pour certains, le fait que nous ne pratiquions pas le baptême ou la célébration de la Cène signifie que nous ne possédons pas ce qui constitue une Église. Cependant, Christ est au cœur de notre vie et de notre action. Et beaucoup de moments se vivent chez nous autour de repas fraternels où sont aussi invités les plus fragiles. Et c’est bien ce que nous croyons : chaque fois qu’on partage le pain à table, c’est Christ qui est présent avec nous, avec les femmes et les hommes de la rue.