La confiture est-elle protestante, je ne sais. Nos enfances ont parfois été bercées par des étés où nos anciens tournaient dans des bassines en cuivre les confitures qui garniraient nos babines de demain. Aujourd’hui la consommation est plutôt faite de ces pots industriels présentant une mélasse informe et insipide dont on ose à peine regarder la composition. La confiture aurait-elle perdu son sens en même temps que son goût, ailleurs que dans les lieux artisanaux préservés des ventes paroissiales ?

Porteuse d’Évangile

À la dégustation, la confiture m’a toujours paru être signe visible d’Évangile. D’abord par l’espérance que portaient en elles des cuisinières qui œuvraient pour apporter du soleil à l’hiver suivant. Ensuite parce qu’à cette occasion se vit une attente de l’instant ultime, l’avènement de la goutte-test qui tout à coup ne coule plus mais se fige. Enfin par ces moments magiques de communion entre générations. Mais l’Évangile n’est pas seulement la réunion communautaire, la naissance d’un événement ou l’espoir de lendemains meilleurs. Il est retournement, transformation et bonne nouvelle partagée.

Transformer la vie

Au royaume de la confiture, la première étape est le rassemblement des grains ou des morceaux. Comme pour la fabrication du pain et du vin, les éléments sont rassemblés pour former communauté. Mais ici plus qu’ailleurs, chacun garde en partie sa forme, son individualité. La seconde étape est l’ajout de quelques pépins de pomme, cet adjuvant invisible dont la pectine permettra à l’ensemble de prendre, suscitera une densité. Cet invisible présent et agissant m’a souvent évoqué un état d’Esprit. La troisième étape est la cuisson, cette transformation aussi symbolique que la fermentation du pain ou la vinification du vin. Elle rappelle que la parole vécue ne retourne pas à Celui qui l’envoie sans avoir suscité un effet. La foi transforme les êtres.

À peine sommes-nous éveillés et assis à la table du petit-déjeuner, la confiture suffit à nous rappeler les grands éléments de l’Évangile et tourner nos esprits vers celui qui les inspire. Elle est un outil de témoignage et de joie partagée, une image de l’Église au quotidien.