Pour la première fois dans l’Union européenne, des citoyens attaquent l’État en justice pour manque d’adaptation au changement climatique. Au total, 14 personnes sinistrées ainsi que trois associations (Greenpeace, Notre affaire à tous et Oxfam) lancent une action en justice, mardi 8 avril. Elles accusent l’État de manquer à son obligation de protéger les citoyens face aux conséquences du changement climatique. Dans un communiqué de presse, l’association Notre Affaire à tous rappelle qu’en France, « près de deux personnes sur trois sont fortement exposées aux risques climatiques ». De plus, « un quart de la population vit en zone inondable » et « la moitié des maisons individuelles sont menacées de se fissurer à cause du phénomène de retrait-gonflement des argiles ». Toutefois, selon les organisations, le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3) est insuffisant et ne prend pas en compte les inégalités sociales et territoriales pour faire face aux conséquences du changement climatique.

Des citoyens, directement touchés par les impacts du changement climatique, ont donc décidé d’attaquer l’État en justice. Certains ont leurs maisons fissurées, d’autres ont des problèmes d’accès à l’eau et d’autres font face à des canicules, des inondations ou enregistrent des pertes agricoles. Jérôme Sergent, qui possède une ferme dans le Pas-de-Calais, fait part de son inquiétude. « À chaque fois qu’il pleut c’est l’angoisse ! Puisque rien n’a changé, on se dit qu’on va à nouveau revivre ce cauchemar », a-t-il témoigné. Sa ferme a été inondée huit fois entre novembre 2023 et mars 2024. Racha Mousdikoudine, présidente du collectif Mayotte A Soif, déplore que « l’État n’a pas anticipé cette sécheresse, il n’a pas pris ses dispositions ». Elle a témoigné de la sécheresse de 2023 à Mayotte, qui a aggravé une situation déjà préoccupante. « Avec ma famille, nous n’avions déjà pas d’eau du robinet depuis 2016 », a-t-elle confié à franceinfo. De son côté, Florent Sebban, paysan dans l’agriculture biologique, raconte « subir de plus en plus de pertes », en raison du changement climatique.

Les populations vulnérables sont plus exposées au changement climatique

Les questions de logement font partie intégrante de cette action en justice. Ainsi, Salim Poussin représente l’association Locataires Ensemble qui veut lutter contre les bouilloires thermiques, dans lesquelles les vagues de chaleur sont insupportables. Mohamed Benyahia représente l’association Urgence maisons fissurées qui soutient les sinistrés dont les maisons sont fissurées à cause du phénomène de retrait-gonflement. L’association milite pour une évolution des critères de reconnaissance des catastrophes naturelles pour renforcer les mécanismes d’aide. Les logements insalubres et indécents sont aussi pointés du doigt, notamment avec l’association Ghett’up, pour alerter sur la vulnérabilité des populations qui les habitent au changement climatique. Les citoyens qui attaquent l’État en justice peuvent présenter des vulnérabilités particulières, tels que des handicaps. Ils montrent comment les populations qui sont déjà vulnérables pour des raisons économiques, sociales et sanitaires, se retrouvent davantage exposées aux conséquences négatives du changement climatique.

Une demande de « mesures concrètes »

Avec ce recours déposé devant le Conseil d’État, les demandeurs souhaitent que l’État soit contraint à « adopter des mesures concrètes et ambitieuses de prévention et de protection », mais aussi que ces mesures soient adaptées aux catégories de population les plus vulnérables. L’action en justice n’a pas pour but l’obtention d’indemnisations personnelles, mais doit « obliger l’État à renforcer ses politiques d’adaptation et à prendre des mesures concrètes et efficaces pour protéger et soutenir toute la population face aux risques climatiques ». L’action en justice s’appuie sur l’obligation générale d’adaptation climatique qui incombe à l’État et qui découle de nombreux textes comme la Charte de l’environnement, le droit international, le droit du Conseil de l’Europe et le droit européen.

Le recours aura lieu en plusieurs étapes. Mardi 8 avril, les requérants ont adressé une demande préalable à l’État pour qu’il révise le Plan national d’adaptation au changement climatique et qu’il mette en place des mesures pour assurer ou renforcer l’adaptation de la France au dérèglement climatique. Cette demande préalable a été adressée à tous les ministres. « En cas d’absence de réponse ou de réponse insatisfaisante de l’État dans les deux mois, on déposera la requête devant le Conseil d’État », a prévenu Cléo Moreno, coordinatrice juridique de cette action devant le Conseil d’État.