Pour mes dernières vacances, j’ai séjourné dans une communauté religieuse protestante près de Nevers, la Fraternité de Moria. J’y ai côtoyé plusieurs personnes autistes, dont un papi de 76 ans, que l’on appellera Joël, et qui est porteur du syndrome d’Asperger. Joël passe ses journées seul dans un coin à faire des mots croisés et à remettre des bûches dans le poêle à bois. Je n’ai quasiment pas entendu le son de sa voix. Sauf un jour, à table.

Poissons volants

Nous parlions des paparazzi, ces photographes très indiscrets, quand il demanda avec malice : « Il n’y a pas des mamanrazzi aussi ? » Gros éclats de rire autour de la table ! Comment fait-il, Joël, pour être aussi drôle, imprévu, « déjanté » ? On dit souvent des autistes qu’ils sont « dans leur bulle » – mais en fait, pas du tout.

Joël me fait penser à d’autres personnes autistes que je côtoie, notamment au collège où je travaille. Même malice, même humour. « Que mange la lune quand elle se réveille ? », me demande Norman un matin. Je ne sais pas. « Un croissant ! » Ce matin-là, Norman a illuminé ma journée d’un joli soleil, avec sa blague tendre et poétique. Très sérieux, il poursuit : « Est-ce que les crabes dans l’océan pensent que les poissons volent ? » Mais comment fait-il pour penser à des choses aussi sensibles et […]