Comme par une dialectique mortifère, les événements qui se déroulent en Israël trouvent un écho dans notre pays. Bien sûr, il convient de rester prudent : rien ne dit qu’il existe un lien direct de cause à effet entre l’attaque lancée par le Hamas la semaine dernière et les crimes perpétrés ce vendredi dans un lycée d’Arras. Il n’en demeure pas moins que la situation se tend de façon dramatique.
Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l’Islam de France, analyse la situation.
« Depuis le samedi 7 octobre, nous sommes plongés dans l’horreur, dit-il en préambule. Après la sidération, la révolte et le désespoir pourraient l’emporter. Voilà pourquoi nous devons conserver notre calme, agir avec autant de fermeté que de conviction. C’est aussi un appel à la raison que je lance. Je le dis clairement, aucune cause, si juste soit-elle n’implique le massacre des innocents ; aucune révolte si légitime soit-elle n’autorise la terreur et la violence aveugle. Nous dénonçons les exactions du Hamas contre les populations civiles. Lorsqu’on se prévaut d’un idéal éthique et spirituel, on ne le trahit pas en perpétrant des crimes atroces. »
On le devine, Ghaleb Bencheikh estime que ces événements desservent la cause palestinienne. Il estime aussi que se défendre ce n’est pas se venger : « Même les lois talioniques, dit-il, n’énoncent pas que pour un œil ce sont les deux yeux, pour une dent c’est la mâchoire et pour un individu c’est toute la tribu… Le désastre humanitaire que connaissent en ce moment les Gazaouis engendrera davantage de violence et d’horreur. Ces terribles drames sont dus, en réalité, au déni de droit et de justice opposé au peuple palestinien depuis des décennies. Ce sont les avanies de l’occupation et les affres de l’oppression qui constituent la matrice d’un conflit qui a trop duré. »
Appeler à l’union, défendre la raison
On a coutume de dire qu’il ne faut pas que le conflit soit importé dans notre pays. « C’est une bonne intention, souligne encore Ghaleb Bencheikh , mais c’est un vœu pieux car entre les chaînes d’information continue, celles du formatage de l’opinion, ce qui se propage sur les réseaux sociaux, les manifestations diverses et les prises de parole multiples, on ne peut nier que les connexions se soient tissées depuis quelques jours. Voilà pourquoi, plus que jamais, nous devons appeler à l’union, refuser les provocations d’où qu’elles viennent. » Il est essentiel de rappeler ces principes. Il est fondamental de défendre le calme et la raison. Mais après ? Comment convaincre ?
Comment lutter de manière efficace contre la tentation d’une radicalisation des positions politiques et religieuses ?
« En tenant un discours qui condamne le condamnable, réprouve le répréhensible, et promeuve les valeurs de solidarité, de paix et de justice, répond Ghaleb Bencheikh. Revenir à la légalité internationale et respecter le droit par et pour tous. »
Il se trouve qu’au moment où nous commémorons le triste anniversaire de l’assassinat Samuel Paty, la bête immonde a encore agi et un terroriste islamiste a commis un crime odieux en égorgeant un enseignant et en blessant les personnes qui se sont courageusement interposées. La terreur islamiste est condamnable sous toutes ses formes et où qu’elle sévisse. Nous sommes aux côtés des personnels enseignants dans cette douloureuse circonstance qui appelle plus que jamais notre résistance et notre unité. Toutes nos condoléances à la famille affligée. »
L’idéal républicain avant tout
La parole de Ghaleb Bencheikh est évidemment écoutée par les responsables politiques. « Je n’ai pas la prétention d’apporter des solutions toutes faites, note-t-il. Nous constatons, nous à la Fondation de l’Islam de France, que notre pays est fracturé, fragmenté. Notre nation est malade et elle est confrontée à des défis majeurs. Elle fait face à des enjeux cruciaux. Devant le triomphe des idéologies extrémistes, j’adjure ceux qui président aux destinées de la nation et surtout ceux qui dans leurs prises de parole publiques se laissent gagner par l’émotion, de ne pas céder à la tentation de galvauder l’idéal républicain. »
Longtemps la France a été attendue et entendue parce qu’elle portait un idéal et des principes de Justice. Est-elle toujours entendue de nos jours ?
« Au-delà des bonnes paroles, dont parfois nous pouvons être amenés à nous gargariser, la France doit parler mais sans arrogance. Elle doit agir avec clarté et réaffirmer la nécessité du respect des droits fondamentaux de la personne humaine et, pour cela, restaurer chez elle la notion d’autorité, que je distingue de l’autoritarisme affecté. Croire en la République et en être fidèle. Cela signifie que la France doit porter une parole juste et déterminée vis-à-vis du monde, et veiller à ce qu’en son sein les institutions – les forces de l’ordre, l’Education nationale et d’une façon générale la loi – soient respectées. » Une belle ambition.