Déployé sur le site de la maison natale du réformateur français Jean Calvin (1509-1564), le Musée de Calvin à Noyon (Oise) est un lieu de mémoire du protestantisme français, et au-delà. Visité par des touristes et curieux du monde entier (dont beaucoup de Coréens du Sud), il a accueilli, le vendredi 3 novembre 2023, la visite de deux universitaires spécialisés sur le protestantisme.

Le premier, le professeur Sébastien Kalombo, enseigne (entre autres) à l’Université Protestante au Congo (UPC) à Kinshasa, et est l’auteur de deux volumes consacrés à l’histoire du pentecôtisme au Congo RDC. Le second, Richard Longo, maître-assistant CAMES à l’Université de Brazzaville (République du Congo), a soutenu en 2021 sa thèse en sociologie sur la mutation de l’éthos protestant. Ci-dessous, en trois questions, ils partagent leurs réflexions sur ce que leur inspire le Musée Calvin de Noyon.

Sébastien Kalombo et Richard Lengo, vos premières impressions du Musée Calvin ?

Ce lieu est très important pour nous et pour tous les protestants, car la Réforme calviniste est partie d’ici. On dit souvent que Calvin était Genevois. Noyon est bien moins connu. Mais nous comprenons, à travers ce lieu et cette maison natale, d’où Jean Calvin est parti. Il était natif d’ici, catholique et environné de catholiques. C’est ici qu’il a grandi. Il était tout près de la cathédrale, que nous avons visitée aussi. Il a défié beaucoup de choses pour instaurer la Réforme. Il y a eu beaucoup d’adversité par la suite aussi. Des protestants ont été enchaînés aux galères du roi de France ! Aujourd’hui, nous constatons qu’il y a en général de bons rapports entre catholiques et protestants. Nous le vérifions aussi chez-nous, à Brazzaville et Kinshasa. Quand Jean Calvin, ici-même, a commencé à questionner certains enseignements du catholicisme, c’était bien différent !

Richard Lengo, que vous évoque particulièrement cette visite ?

Ce musée Calvin de Noyon est très intéressant et très soigné. On y a été bien accueillis, un dossier avait été préparé pour nous. La visite m’a beaucoup plu, c’est un lieu d’apprentissage. On voit bien que l’héritage de la Réforme, l’héritage de Calvin, ne sont pas pris à la légère. Ce musée est fascinant, avec beaucoup de documents précieux et conservés avec précaution, bien valorisés. Tout cela coûte cher, demande de l’entretien. Financer cela dans la durée montre la valeur que l’on donne à cet endroit. C’est une surprise pour moi de voir cette maison de Calvin à Noyon, après être venu depuis le nord de Paris. On enseigne peu que Jean Calvin vient d’ici. C’est nécessaire de le rappeler, et de mieux comprendre ce qu’il a vécu. Je reparlerai de cela au pays, à mon retour. Je suis touché par les efforts de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (SHPF) en faveur de la conservation de cette maison et de ce qu’elle contient. J’ai vu et photographié la plaque commémorative, à l’extérieur du musée.

Professeur Sébastien Kalombo, que signifie pour vous ce Musée par rapport à l’identité protestante ?

Visiter ce Musée m’a fait du bien. Mais la principale question qui me vient à l’esprit est : à qui transmet-on tout cela ? De passage en France avec le soutien du DEFAP, j’ai eu l’occasion de prêcher cette fois-ci dans deux paroisses réformées de région parisienne. Le public était âgé. Où sont les jeunes ?

Toute cette histoire, très bien racontée dans cette maison Calvin, a été écrite grâce à une foi partagée et transmise. Mais quand je vois aujourd’hui la France, l’état de ses paroisses, je m’interroge. A quelles générations s’adresse-t-on au travers d’un musée comme celui-ci ? En France, la foi en Dieu se fait bien discrète. Les protestants de ce pays, on ne les voit guère. Je leur dis qu’on aimerait que vous soyez plus forts. Et plus en relation avec nous, en Afrique. Au Congo RDC, nous avons des milliers d’étudiants protestants (à l’Université Protestante au Congo, UPC de Kinshasa, ndlr) pour lesquels la foi, c’est important. Et il y a beaucoup de monde, beaucoup de jeunes dans les églises. Où sont les jeunes chrétiens en France ? A quoi ont servi les combats du passé s’il n’y a plus personne aujourd’hui pour faire le relais ? Cela me préoccupe.