La coopération comme rempart à la toute-puissance dans l’Église : les bienfaits de l’action collective (3/3)
Marie-Christine Carayol nous propose une série de trois articles sur le lien entre coopération et toute-puissance. Dans le premier article de la série, l’autrice proposait un état des lieux de la toute-puissance dans l’Église. Dans le deuxième article, elle s’interrogeait sur le moyen de faire rempart à cette toute-puissance. Voici le troisième article, dans lequel elle se penche sur les bienfaits de l’action collective.
Édith Tartar Goddet, psychologue, fait le constat que l’Église est traversée par la culture ambiante et dominante. « En France, pays marqué par l’Élitisme, la Hiérarchie, le Concept, le Diplôme, les institutions et les professionnels sont et se laissent gouverner par le Savoir universitaire, académique et abstrait ; savoir formel et intellectuel qui leur donnerait la capacité d’être et d’agir en relation.
Dans leur champ de représentations sociales, les compétences professionnelles de type relationnelles (savoirs-être et savoirs-faire) ne s’apprennent pas. Elles seraient innées ou découleraient naturellement du Savoir conceptuel accumulé. Nul besoin, pour ces personnes, d’apprendre à faire autorité, à gouverner une équipe ou un groupe, à travailler avec d’autres de manière collaborative (participative ou coopérative), à mettre en place des relations bienveillantes, à gérer avec justesse les situations relationnelles difficiles, etc… »
Mettre de côté tous ces domaines dans les formations initiales, notamment pastorales, permettrait d’affirmer implicitement et de se convaincre que l’on sait spontanément, grâce au bagage théorique, gérer la dimension humaine d’une organisation ecclésiale. Ne serait-ce pas nier cette complexité de la dimension humaine et les rapports de pouvoir spontanés entre les humains amenés à vivre et agir ensemble ?
Les sociologues des organisations nous prouvent par leurs observations et analyses que toute « structure d’action collective se situe comme système de pouvoir. Elle est phénomène, effet et fait de pouvoir ». L’Église, voulue et fondée par Dieu, en serait-elle épargnée ?
L’action collective est source de pouvoir
Ces sociologues ont démontré que l’action collective constitue un problème, car ce n’est pas un phénomène naturel. C’est un construit social dont la mise en œuvre s’avère contraignante. Pour eux, le pouvoir est une relation et non pas un attribut, et se met bien en œuvre dans une relation d’échange entre les acteurs. De plus cette relation est instrumentale et entraîne donc toute une série de phénomènes affectifs forts. Par ailleurs, ces effets ne sont pas toujours conscients. Les sociologues montrent que ni nos intentions ni nos motivations ni nos objectifs ni nos relations transcendantales ne sont une garantie ou une preuve de la réussite de nos entreprises. Le dilemme se situe à un autre niveau, celui des moyens que nous utilisons, ou plutôt de la médiation entre les fins poursuivies et les moyens humains que nous employons pour les atteindre.
Michel Bertrand souligne qu’« il y a dans les Églises un dispositif complexe de la gestion de l’autorité : autorité des Écritures, autorité des théologiens, autorité de la prédication et des ministres qui en sont chargés, autorité de la tradition, autorité du peuple de l’Église, autorité des instances de gouvernement de l’Église.
Autant de régulations qui s’interpellent, se corrigent, débattent entre elles sous la seule autorité du Christ. On comprend pourquoi cette organisation est complexe, fragile, vulnérable, lourde de tensions. C’est pourtant cette multiplicité qui la rend riche et féconde, tout en garantissant que personne, aucun individu, aucune instance ecclésiale, ne devrait pouvoir se prétendre maître de l’autorité du Christ, ni se l’approprier, ni vouloir en disposer dans l’Église. L’autorité dans l’Église s’exerce donc toujours de manière dérivée, par rapport à l’autorité du Christ à laquelle elle ne peut que renvoyer ».
Bertrand nous dit encore que « toutefois, le renvoi exclusif à l’autorité du Christ ne doit pas dispenser d’observer la façon dont s’exerce effectivement l’autorité dans l’Église à ses différents niveaux. En effet, le déplacement systématique de la question de l’autorité dans l’Église sur Dieu ou sur le Christ ou sur le Saint-Esprit peut couvrir parfois dans les institutions ecclésiastiques des formes d’autoritarisme caché et […]