Un nouveau sommet pour en finir avec un problème ancien et de plus en plus urgent. Dès lors qu’il est question de protéger l’environnement, le message est le suivant : il faut passer des paroles aux actes. La COP16 ne devrait pas déroger à la règle du 21 octobre au 1er novembre. La seizième conférence des États signataires de la convention sur la biodiversité biologique souhaite concrétiser les engagements pris deux ans plus tôt, lors de la COP15. Les États signataires avaient alors décidé de protéger 30% des terres et océans d’ici 2030, et restaurer 30% des terres dégradées. Un autre point pourrait être abordé : celui du réensauvagement. Pour certains, il est la clé pour atteindre les objectifs de la COP15.

France 24 rappelle que le terme « rewilding » ou réensauvagement est apparu aux États-Unis dans les années 1990. Cette pratique vise à laisser la nature reprendre l’intégralité de ses droits, en cessant toute action humaine sur un secteur défini. Dans cette zone, il n’y a donc plus d’agriculture, de sylviculture, de chasse ou de pêche. Ce réensauvagement passif peut s’accompagner d’une politique plus dynamique de réintroduction des espèces que l’homme a fait disparaître. Une façon de rétablir « l’ordre naturel ».

« Faire parler » de la biodiversité

En France métropolitaine, où la forêt couvre 31% du territoire, le réensauvagement existe de manière très localisée. Ancien président du Muséum national d’Histoire naturelle et professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie Sorbonne Université, Gilles Bœuf explique à France 24 son scepticisme à propos des effets des COP. « Je n’attends pas trop de ces grandes réunions internationales », mais comme les autres COP, celle-ci permettra au moins enfin de « faire parler » de la biodiversité. Autre bon point selon lui, l’intérêt récent des entreprises pour la question.

Selon l’édition 2019 du rapport de l’IPBES (la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), le taux d’extinction des espèces est aujourd’hui entre 10 et 1 000 fois plus rapide que la moyenne naturelle sur les dix derniers millions d’années. Si bien que d’ici 500 ans, à cette allure, les humains auront éliminé 75% des autres représentants du vivant.

Importance du jeu de la chaîne alimentaire

L’humain a dû oublier « qu’il était vivant », précise Gilles Bœuf. La disparition de la biodiversité menace, en effet, l’humain lui-même. « Nous ne mangeons, ne coopérons qu’avec du vivant », rappelle l’expert. Lors des vingt dernières années, le sujet du climat a été huit fois plus évoqué que celui de la biodiversité. Pourtant, « la disparition du vivant affecte pourtant le climat », ajoute-t-il. Dans les mers par exemple, la raréfaction de poissons diminue – par le jeu de la chaîne alimentaire – le phytoplancton. Or il permet la vie sur terre en stockant, comme les arbres, une partie des gigatonnes de CO2 émis annuellement par les activités humaines.

Pour les agriculteurs, la pluviométrie historique, la pire moisson de céréales depuis quarante ans, etc. sont des phénomènes qui interpellent. Mais le dérèglement climatique s’ajoute à d’autres défis. C’est le cas, notamment, de la concurrence grandissante des produits étrangers meilleur marché et du bond du prix des matières premières. Par ailleurs, pour les agriculteurs, le réensauvagement des territoires peut poser deux problèmes. Dans les régions concernées, le retour de prédateurs comme le loup et l’ours suscite naturellement les inquiétudes des éleveurs de bétail. Et, plus globalement, le réensauvagement entend céder plus de terres à la nature. Or, les agriculteurs ont besoin de plus d’espace pour nourrir plus de monde.

Consommer autrement

Ce qui fait dire au biologiste que « les conflits écologiques doivent être solutionnés avec le monde agricole, pas contre lui ». Gilles Bœuf milite donc pour que l’on cesse « d’opposer frontalement les approches de la nature », comme celles des écologistes et des agriculteurs. Celui qui ne cache pas son désarroi quand il constate que 23 571 km de haie sont coupés chaque année en France rappelle que les oiseaux qui s’y développent mangent les insectes qui abîment les cultures et contre lesquels les agriculteurs doivent utiliser des pesticides.

« Il ne suffit pas de protéger certaines zones ou certaines espèces », développe Sébastien Barot, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). L’écologue estime que « nous devrions plutôt revoir notre façon de consommer, en gardant une question comptable à l’esprit : comment nourrir nos sociétés ». D’après les données de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) de l’ONU, 70% de la surface agricole mondiale est utilisée soit pour le pâturage du bétail, soit pour la production de céréales destinées à les nourrir. « En réduisant collectivement notre consommation de viande, nous pourrions ainsi libérer beaucoup de surfaces, qui pourraient être allouées à une agriculture plus durable », poursuit Sébastien Barot.