Comprendre la politique d’immigration et d’intégration aujourd’hui, c’est s’inscrire dans une histoire et tenir compte des logiques qui donnent naissance à ces migrations. Un petit rappel historique des différentes migrations chez nous : en France et en Europe, dès le Moyen-âge, une mobilité individuelle et collective des artisans, souvent temporaire. A la révolution industrielle au 19ème siècle, les mines et la sidérurgie font appel à une main d’oeuvre locale d’ouvriers-paysans, ensuite à la main d’œuvre étrangère (Polonais, Italiens). Dans l’entre-deux-guerres, les Italiens remplacent les soldats morts dans les tranchées. Après la 2ème guerre mondiale, pendant les 30 glorieuses, les immigrés sont les soutiers de l’Europe, ils occupent les emplois durs, dangereux, précaires et mal payés. Comme l ‘Allemagne, la France est dans le déni de la réalité. Elle veut croire que l’immigration est temporaire – Gastarbeiter – et non définitive. La migration internationale continue, elle vient davantage de l’Europe de l’Est, et actuellement des pays en conflits en Syrie, en Irak… [1]

Une ministre de l’intégration d’origine turque

Petit rappel de Jacques Attali.  « Nous sommes 200 millions de personnes à vivre dans un autre pays que celui où nous sommes nés et, dans trente ans, nous serons au moins 500 millions à vivre sur un autre continent que notre continent d’origine. Nous entrons dans une période de dégel et de mouvement de l’humanité. » En conséquence : « ou bien nous sommes capables de vivre positivement ce moment ou on se barricade. Il faut également savoir que les pays européens n’arrivent qu’en 10ème position pour l’accueil des migrants. » Et d’insister : « les Allemands applaudissent à l’arrivée des migrants, je ne vois pas d’abord un geste de générosité, j’entends ‘ Merci de venir chez nous ! Parce que nous, Allemands, avons besoin de vous ! ‘ De plus, ils sont 4 millions à être dans les camps turcs, libanais, jordaniens. Si on n’aide pas ces pays à intégrer ces déplacés, ils les pousseront vers nous. »

L’Allemagne et surtout le Pays du Baden-Würtemberg ont choisi une politique très volontariste. Le mot d’ordre est Land der Vielfalt – Land der Chancen. Le Baden-Würtemberg a créé un ministère de l’intégration avec à sa tête une ministre de l’intégration Madame Bilkay Öney, d’origine turque. L’objectif de l’administration est d’intégrer un maximum d’étrangers – qui n’ont pas la nationalité allemande – et d’arriver à un nombre de fonctionnaires étrangers du Land de 20%. Il en est de même dans les entreprises privées, bien que dans ce cas il n’y a aucun objectif minimum. En Allemagne, la natalité est tellement faible que la population globale est en régression. De ce fait, ces nouveaux arrivants sont une chance énorme et pérenniseront l’avenir du pays. M.Kretschmann président du Land Baden-Würtenberg précise que déjà aujourd’hui son Land est celui qui a le plus grand nombre d’habitants qui sont issus de diverses migrations et il en est fier.

Une chance de refaire leur vie

Grâce aux migrants, de multiples compétences permettent une approche des problèmes tout à fait différente : économique, culturelle et cultuelle. Des études ont prouvé, que des équipes composées de personnes d’origines diverses sont beaucoup plus créatives et arrivent à des solutions bien plus adaptées que des groupes homogènes. L’Allemagne est très consciente que le processus d’intégration sera très long. Ce pays est un pays très diversifié, et de ce fait les Allemands croient que cette arrivée de sang neuf est une chance pour eux. Et ils n’oublient pas que c’est, peut-être, même plus : une chance de refaire leur vie pour ces arrivants.

[1] source : Professeur Dr. Maurice Blanc, professeur émérite en sociologie, Université de Strasbourg