La droite extrême ne cesse de progresser en Europe depuis plusieurs années. La voici désormais aux portes du pouvoir dans plusieurs pays du Vieux Continent. Alors qu’en France Marine Le Pen, forte de ses 89 députés, devient une candidate crédible à la présidence et qu’au Royaume-Uni la succession de Boris Johnson radicalise le Parti conservateur, les scrutins auxquels sont conviés, dans les prochains mois, les électeurs de Suède, d’Italie, de Slovénie ou de République tchèque laissent craindre une nouvelle étape dans l’irrésistible montée de l’extrême droite.
En Hongrie, l’espoir de donner un coup d’arrêt à l’ascension de Viktor Orban, l’un des principaux porte-parole de ce mouvement, a été déçu lorsque le premier ministre a été réélu en avril 2022. En République tchèque et en Slovénie, il est vrai, les chefs populistes ont été battus aux élections législatives, l’un, Andrej Babis, en octobre 2021, l’autre, Janez Jansa, en avril 2022, mais ils préparent leur revanche à l’élection présidentielle à venir. On s’est sans doute trop habitué à la banalisation de ce phénomène pour s’en émouvoir à l’excès mais un seuil pourrait bien être franchi si quelques-uns de ces partis conquièrent la première place.
Jimmie Akesson en Suède
Le premier test aura lieu en Suède le 11 septembre. Face au gouvernement minoritaire de la première ministre social-démocrate Magdalena Andersson, affaibli par plusieurs crises parlementaires, les Démocrates de Suède, sous la conduite de Jimmie Akesson, chef du parti d’extrême droite depuis 2005, député depuis 2010, sont placés en tête des sondages à quelques semaines du scrutin. En progression constante dans les urnes depuis douze ans (5,7% en 2010, 12,9% en 2014, 17,50% en 2018), ils obtiendraient 21,5% des suffrages en 2022, devançant à la fois la droite d’Ulf Kristersson et les sociaux-démocrates.
Comme ses homologues européens, Jimmie Akesson fait de la lutte contre l’immigration, la criminalité et l’Islam, « la plus grande menace étrangère depuis la seconde guerre mondiale », ses priorités mais, à l’image de Marine Le Pen, il a entrepris de « dédiaboliser » son parti, en le purgeant de ses éléments racistes ou néo-nazis. Bon orateur, cet europhobe déterminé, auquel on prête l’allure du gendre idéal, a su manœuvrer avec habileté pour s’imposer aux diverses factions nationalistes avant d’élargir sa base électorale au-delà de son camp. A 43 ans, le voici prêt à toucher les dividendes de son engagement populiste.
Giorgia Meloni en Italie
Deuxième test en Italie le 25 septembre, où la journaliste Giorgia Meloni, présidente de Frères d’Italie, le parti qu’elle a fondé en 2014, députée depuis 2006, portera les espoirs d’une extrême droite que l’on qualifie désormais de « postfasciste » pour marquer sa rupture avec l’héritage mussolinien. La candidate récuse avec énergie cette filiation. « Il y a plusieurs décennies que la droite italienne a relégué le fascisme à l’histoire », déclare-t-elle. Comme son collègue suédois, comme la plupart des dirigeants d’extrême droite en Europe, Giorgia Meloni joue, elle aussi, la carte de la « dédiabolisation » tout en appelant, comme eux, à combattre avec détermination l’immigration, l’islamisation, la criminalité et à renégocier les traités européens.
A quelques semaines du scrutin, les sondages la mettent en tête de la coalition de la droite, qui paraît bien placée pour l’emporter. Elle devance en particulier son grand rival d’extrême droite, Matteo Salvini, chef de file de la Ligue, qui a perdu du terrain. Giorgia Meloni a eu la bonne idée de se tenir à l’écart du gouvernement d’union nationale dirigé par Mario Draghi, ce qui lui permet de se présenter comme une force d’alternance face aux autres partis, de droite comme de gauche. Elle vient de lancer sa campagne avec fracas en diffusant la vidéo d’un viol commis par un demandeur d’asile sur une Ukrainienne. Avec son slogan « Relever l’Italie », elle s’affiche comme l’unique recours après la chute du gouvernement Draghi.
Batailles en Europe centrale
D’autres élections s’annoncent disputées dans les prochaines semaines, notamment en Slovénie, en octobre 2022, et en République tchèque, en janvier 2023, où des candidats de la droite radicale, proches du premier ministre hongrois Viktor Orban, ont de sérieuses chances de succès dans la course à la présidence de la République. Dans ces deux pays, la bataille entre libéraux et populistes est rude depuis plusieurs années. Elle a fait émerger les personnalités clivantes de Janez Jansa dans l’un et d’Andrej Babis dans l’autre. La succession de Borut Pahor à Ljubljana et de Milos Zeman à Prague relance l’affrontement entre les deux courants. En Slovénie, Anze Logar, l’ancien ministre des affaires étrangères de Janez Jansa, et, en République tchèque, Andrej Babis lui-même, s’il décide de se présenter, sont en bonne position pour donner la victoire aux populistes.
Pour les démocrates européens, le combat contre l’extrême droite est plus que jamais à l’ordre du jour. La plupart des pays du Vieux Continent sont menacés. En 2023, on observera par exemple avec intérêt le vote des Finlandais, des Danois ou des Polonais. Hors d’Europe, on scrutera dans quelques semaines le résultat des élections de mi-mandat aux Etats-Unis et le possible retour de Donald Trump à la Maison Blanche en 2024. Sans parler de la Russie, où le régime de Vladimir Poutine ne cache plus ses dérives dictatoriales. La démocratie est décidément à l’épreuve.
Thomas Ferenczi
Cet article est également publié sur le site Boulevard Extérieur