En ce début septembre 2015, le corps inanimé du petit Aylan échoué sur une plage de Turquie secoue la bonne conscience européenne. Mon portable ne cesse de sonner avec au bout du fil plusieurs médias régionaux, nationaux, puis internationaux qui demandent à nous rencontrer. Nous, c’est un collectif d’une vingtaine de membres des trois communautés chrétiennes de la petite ville où nous habitons. émus par la situation provoquée par l’avance de Daesh à la fin 2014, les participants de l’étude biblique œcuménique locale se décident finalement à accueillir une famille de réfugiés d’Irak. Après un processus de neuf mois d’attente, la famille Mikho, riche de ses deux grand-mères, deux parents et trois garçons, est annoncée en gare TGV le samedi 5 septembre au soir. Nous n’avons pas fait grande publicité, juste reçu deux journalistes, ce qui nous a valu des articles dans la presse locale.

Sur la voie de l’intégration

Mais les médias ont hâte de montrer une histoire plus positive que celle du repli sur ses avantages d’une Europe frileuse. Le soir même, photographe et journaliste couvrent l’arrivée de la famille et les émotions fusent. Les photos de la rencontre au Centre Mennonite de Bellegarde connaissent une diffusion mondiale grâce à Internet. Les jours et semaines suivants, le défilé des médias se poursuit et l’écho donné à notre modeste accueil se révèle disproportionné. Cela nous vaut néanmoins une attention particulière des services administratifs : un mois après son arrivée, la famille perçoit un revenu minimum et les allocations logement permettent de défrayer le logeur. Neuf mois après, la famille s’intègre bien ; les traducteurs arabe-français ne sont plus nécessaires ; le mari et l’épouse commencent à occuper un emploi ; les communautés chrétiennes sont pour eux une nouvelle famille qui soulage l’arrachement à leur patrie séculaire. […]