Quel est le point de départ ?
Mahsa Amin est une Iranienne de 22 ans originaire de la province du Kurdistan, à l’ouest du pays. La jeune femme était avec sa famille à Téhéran pour quelques jours lorsqu’elle a été arrêtée par la police des mœurs qui lui reprochait de mal porter son foulard, obligatoire au sein de la République islamique à partir de 7 ans. Après son arrestation décrite comme « violente » par plusieurs témoins, Mahsa Amini est tombée dans le coma. Elle est décédée le 16 septembre selon la télévision d’État et la famille de la jeune femme. Les autorités ont fait savoir que la jeune femme était morte suite à des « problèmes cardiaques », vidéo à l’appui. Cette version est difficile à confirmer car l’enregistrement n’est pas de bonne qualité.
Quelle est l’ampleur de la contestation ?
La première manifestation a eu lieu le jour des funérailles de Mahsa Amini dans sa ville de Saqqez. Plusieurs centaines de personnes s’étaient réunies à l’occasion de la cérémonie. Depuis, des manifestations ont été signalées dans presque toutes les provinces, même dans les villes conservatrices, telle que Kerman, ou des villes religieuses comme Mashhad ou Qom, que l’on peut considérer comme des « Vatican du chiisme », la religion d’Etat et majoritaire en Iran. Les manifestations sont coordonnées sur les réseaux sociaux, en utilisant notamment le hashtag #mahsa_amini ou مهسا امینی# en persan. Dans les manifestations, les revendications ne portent pas que sur la mort de Mahsa Amani. Les populations souhaitent, entre autres, la fin de l’obligation du port du voile en général et de la répression menée par la police des mœurs.
Arezou, 33 ans, ingénieure informatique au chômage, à Ispahan, raconte à Libération :
« Nous descendons dans la rue pour protester, contre la situation créée par ce régime, qui est pire que celui des talibans. Les femmes sont opprimées en Iran, et pas seulement les femmes, tout le monde. Nous voulons du travail et de la liberté. Nous sommes pacifiques, mais on nous tue sous le moindre prétexte. La liberté d’expression n’existe plus en Iran. Une jeune fille belle et innocente est tuée pour un voile mal porté, et ils nient les faits. Cela s’est produit plusieurs fois auparavant et encore aujourd’hui. Les jeunes iraniens n’ont aucun espoir dans l’avenir, voilà pourquoi ils descendent dans la rue. »
Quelle répression ?
Selon Amnesty International, les forces de sécurité de l’Etat ont tiré « délibérément à balles réelles sur des manifestants», et ont fait un usage « illégal de grenaille de plomb et autres billes métalliques, de gaz lacrymogènes, de canons à eau et de coups de matraque ». Pour sa part, l’ONG Iran Human Rights (IHR), située en Norvège, fait état d’un bilan d’au moins 54 personnes sur l’ensemble du territoire. Le Comité pour la protection des journalistes signale qu’au moins onze journalistes ont été arrêtés, dont Niloofar Hamedi, le journaliste qui avait à l’origine révélé l’histoire de Mahsa Amini. Actuellement, le pouvoir tente de cacher l’ampleur de la répression. «La remise des corps aux familles est conditionnée à un enterrement dans le secret», souligne ainsi IHR. Dimanche 25 septembre, l’Union européenne a jugé « injustifiable et inacceptable» l’usage «généralisé et disproportionné de la force » contre les manifestants.