A la fois comme pasteur-coordinateur de la Maison ouverte à Montreuil, une des fraternités de la Mission populaire évangélique, et salarié, je suis opposé à ce projet de réforme. Face à cette nouvelle proposition du gouvernement, différents éléments théologiques peuvent nous interroger en tant que protestant. L’Ancien Testament et les textes des prophètes aux messages toujours actuels nous rendent attentifs aux plus faibles. Ces plus faibles sont pénalisés par ce projet de réforme qui ne comprend pas de réelles mesures de justice sociale. Le gouvernement met en avant une retraite minimum de 1200 euros destinée aux retraités aux revenus les plus faibles. Mais, en réalité, seule une infirme partie de ces derniers serait concernée par cette mesure. L’effort est demandé uniquement aux salariés, notamment les plus faibles et aux femmes déjà discriminées. On ne sollicite pour financer les retraites que les salariés. Rien n’est demandé aux entreprises, pas même aux plus grosses qui versent parfois des milliards de dividendes à leurs actionnaires.
Deux conceptions opposées
Cette réforme nous interroge, par ailleurs, sur la place du travail dans la vie. Au sein du protestantisme, deux conceptions sont en tension. On peut avoir une vision très anti-travail en se basant sur la parabole des oiseaux du ciel de l’Évangile selon Matthieu :
« Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? »
La grâce ici est l’élément le plus important. Il faut profiter pleinement de la vie et ainsi relativiser la place du travail. Au contraire, dans la tradition calviniste, le travail est un des lieux de vocation de l’homme. On s’exprime par le travail et on rend, par cet effort, grâce à Dieu.
A lire aussiAu XIXe, le christianisme social et son initiateur, le théologien Tommy Fallot, se sont beaucoup battus pour rendre les vies ouvrières plus vivables. Tommy Fallot déclarait que les conditions d’existence des ouvriers les empêchaient de ressentir la grâce. Aujourd’hui, on voit arriver à la retraite des personnes complètement usées par des années de labeur qui meurent quelques années après. Le travail aura consumé leur vie. Comme au XIXe, les tâches demandées sont trop dures physiquement ou mentalement pour rendre grâce à Dieu. Si le travail est une vocation, il doit également épanouir la personne. Or pour beaucoup, il est seulement difficile et souvent sans grand intérêt.