Le pasteur de la Mission populaire à Montreuil (93) Stéphane Lavignotte témoigne.

« Pour faire face à la pandémie, on a été dans l’obligation de fermer nos douze fraternités reparties aux quatre coins du territoire. Or ces lieux sont le cœur de notre activité. C’est au sein de nos fraternités que l’on se réunit, que l’on échange, que l’on met en place des animations, que l’on se soutient, boit le café, rigole… Tout tourne autour du « faire ensemble » dans ces espaces de vie. Ne plus avoir accès à nos lieux, c’est comme comme travailler dans une usine et ne plus pouvoir utiliser des machines. C’est être en panne, au chômage technique ! Rares sont les fraternités qui maintiennent certaines de leurs missions malgré le confinement. A la Maison verte, au nord de Paris, l’équipe continue de recevoir et redistribuer le courrier des personnes sans domicile fixe ne disposant pas d’adresse personnelle. A Saint-Nazaire, des petits-déjeuners sont distribués et non plus servis à l’intérieur aux plus fragiles.

Les fraternités fermées,  nous devions inventer en urgence une nouvelle façon d’être présent les uns aux autres. Pour s’organiser, des réunions ont eu lieu les 16 et 17 mars. De nombreuses idées ont émergé parmi lesquelles la création de chaînes d’appel téléphonique. Concrètement, à Montreuil, nous avons fait une liste d’une vingtaine de personnes pour lequel il nous a semblé nécessaire de prendre des nouvelles. Comment vivent-ils le confinement ? Gardent-ils un minimum le sourire ? Ont-ils des contacts avec leurs proches ? Sur une liste de discussion interne, nous nous tenons au courant de qui a appelé qui. Et nous nous appelons entre nous quand il y a un besoin pour voir comment on résout les problèmes rencontrés par ces personnes (courses, attestation, etc). A Trappes, chacun bénévole appelle régulièrement quatre ou cinq enfant pour voir comment s’organise le travail scolaire et vérifier qu’il ne rencontre pas de difficulté particulière. Ces chaînes téléphoniques ont été mises en place dans la majorité des fraternités.

« Parler aussi de soi »

Nous avons reçu des retours très positifs car des personnes sont habituellement seules. Pour tromper l’ennui avant le confinement, elles se rendaient au sein des fraternités. Or aujourd’hui, elles n’ont plus rien… Les coups de fil viennent combler ce vide. A Montreuil, parmi nos participants figurent un grand nombre de personnes qui vivent dans des foyers africains et partagent des petites chambres à plusieurs. Lors de nos échanges téléphoniques, ces derniers nous ont fait part que certains d’entre eux tombaient malades et avaient besoin d’être isolés des autres. Nous avons contacté la mairie qui a obtenu de la préfecture des chambres d’hôtel pour mettre en quarantaine les malades.

Pour mettre en place une chaîne d’appel téléphonique, je conseille de bien s’organiser entre bénévoles et d’échanger régulièrement afin de repartir les appels dans le temps, partager sur les difficultés rencontrées par les personnes… Les appels se doivent aussi être les plus « légers » possibles. Il faut laisser la porte ouverte pour que les personnes puissent exprimer ce qu’elles souhaitent, poser des questions ouvertes et ne pas être intrusif. Enfin, il est nécessaire de parler aussi de soi. N’oublions pas qu’il s’agit d’un échange. Prendre des nouvelles c’est se mouiller et exprimer autant que ce que l’on ressent qu’écouter ce que dit l’autre. C’est se découvrir ensemble face à la pandémie. »