« Merci les plantes, de ne pas me juger », claironne une affiche sur les quais de la gare de Lyon à Paris. Passons outre l’absurdité du slogan – on imagine mal un jury de thèse composé de yuccas et de rhododendrons. S’il nous renseigne avant tout sur une vision romantique et fantasmée de la nature, fantasmée d’une façon anthropocentrique, il désigne cette étrange peur qui se répand comme une épidémie : celle qui fait fuir les responsabilités, qui donne l’impression de ne pas trouver entièrement sa place dans le monde qui nous entoure. La plante, vivante mais immobile, occupée à pousser, a au moins l’avantage de ne pas nous regarder – contrairement à l’animal – et de ne pas porter de jugements – contrairement à ces surprenants bipèdes que l’on appelle communément des humains.

Pour nos contemporains, l’idéal semble donc être la photosynthèse, la réduction au végétal décoratif, l’abdication de la qualité d’être humain. Car quoi de plus humain que ce fameux jugement ? Malheureusement, ce jugement est devenu synonyme de méchanceté gratuite, d’aigreur, de critique au sens pauvre du terme. Malheur donc à celui qui juge ! Honni soit qui tente d’émettre un avis qui essaie d’être constructif, quand bien même il pointerait du doigt une erreur ou un défaut. Désormais, on nous enjoint de tout accepter, d’essayer de se mettre à la place de l’autre afin de ne rien dire de négatif. Triste uniformisation, sinistre consensus, que l’on désigne désormais du nom de […]