Attendu, le discours de politique générale de Michel Barnier a duré près de 90 minutes, mardi 1er octobre. Le Premier ministre a dévoilé devant les députés les grandes orientations de la politique de son gouvernement, principalement composé de macronistes et de représentants des Républicains. Il a profité de l’occasion pour se faire le chantre de la simplification des démarches administratives et des normes et aborder les questions épineuses de la réduction des dépenses publiques et de l’immigration.

Fiscalité

Michel Barnier s’est engagé pour la « réduction de notre double dette budgétaire et écologique ». « La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale », a-t-il souligné. Alors, il s’est donné pour objectif de « ramener le déficit de notre pays à 5% du PIB en 2025 » et 3% en 2029. Pour cela, le Premier ministre a promis de réduire les dépenses publiques, avec « une attention particulière aux plus fragiles » et « avec les collectivités locales ». Il souhaite également des dépenses publiques plus « efficaces », grâce par exemple à une « chasse aux doublons » et aux « fraudes ». Le chef du gouvernement a aussi annoncé « une participation au redressement collectif aux grandes entreprises qui réalisent des profits importants » et une « contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés ».

Élections

Revenant sur la grande tension politique actuelle, Michel Barnier a déclaré : « Nous avons besoin d’une nouvelle méthode. » S’il compte demander à son gouvernement de « s’appuyer sur le travail parlementaire », il a aussi promis « écoute » et « respect » aux différentes formations politiques de l’Assemblée nationale. Le Premier ministre s’est aussi dit « prêt à une réflexion sans idéologie sur le scrutin proportionnel » pour les élections législatives, réclamé par une partie de la classe politique, de la gauche au Rassemblement national en passant par le Modem. « J’ai bien entendu les appels à davantage de représentativité », a-t-il ajouté.

Réforme des retraites

Michel Barnier appelle à « reprendre le dialogue » sur la réforme des retraites, adoptée en 2023 malgré une vive opposition des syndicats. Le chef du gouvernement souhaite « réfléchir à des aménagements raisonnables et justes » de la réforme avec les partenaires sociaux. « Certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées », a-t-il déclaré devant l’Assemblée nationale. Dans son viseur, notamment, les questions des retraites progressives, de l’usure professionnelle et de l’égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite.

Nouvelle-Calédonie

Le chef du gouvernement a annoncé que les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie seront reportées « jusque fin 2025 ». Il a ajouté que le projet de loi constitutionnelle de dégel du corps électoral, à l’origine des émeutes, ne « sera pas soumis au Congrès ». Michel Barnier s’est dit désireux de s’impliquer « personnellement » dans ce dossier. Et « une mission de concertation » conduite par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, se rendra « prochainement » sur place.

IVG, mariage pour tous

Devant les députés, Michel Barnier a également assuré qu’ « il n’y aura aucune tolérance à l’égard du racisme et de l’antisémitisme ». « Aucune tolérance » non plus à l’égard des « violences faites aux femmes », du communautarisme, et « aucun accommodement sur la défense de la laïcité ». Alors que son gouvernement compte des ministres qui s’étaient opposés à certaines avancées sociétales, le Premier Ministre a promis qu’il n’y aura « aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans », dont le droit à l’IVG, le mariage pour tous et la PMA pour toutes.

Assurance chômage

Le Premier ministre a tendu la main aux syndicats et au patronat pour négocier « sur notre système d’indemnisation du chômage » ainsi que sur « l’emploi des seniors ». Une manière d’enterrer la réforme de l’assurance chômage prévue par le gouvernement Attal. Selon le chef du gouvernement, les partenaires sociaux « sont les mieux placés pour apporter des solutions ».

Smic

Michel Barnier a profité de son discours de politique générale pour annoncer une revalorisation du Smic de 2% et ce, « dès le 1er novembre par anticipation de la date du 1er janvier ». Il a également promis des « négociations rapides » dans les branches où les minimas sont encore inférieurs au Smic.

Santé mentale

Le Premier ministre entend faire de la santé mentale « la grande cause nationale de l’année 2025 ». « Les problèmes de santé mentale touchent un Français sur cinq, particulièrement les jeunes », a-t-il insisté. « Les maladies psychiques sont le premier poste de dépenses de l’assurance maladie. » Or « ces maladies se soignent et la prévention est essentielle », mais il y a encore beaucoup à faire « dans les modes d’accompagnement des malades et des aidants ».

Immigration

Les politiques migratoire et d’intégration ne sont plus maîtrisées de « manière satisfaisante », a déclaré Michel Barnier. Alors que la faible exécution des obligations de quitter le territoire français est revenue dans l’actualité avec l’affaire du meurtre de Philippine, il a dit envisager de restreindre « davantage » les visas pour les pays qui se montrent réticents à accueillir leurs ressortissants expulsés. Dans ce cadre, le chef du gouvernement veut aussi « faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière ».

Peines de prison

Michel Barnier a évoqué sa volonté de « réduire les délais de jugement ». Il a aussi promis de « construire réellement des places de prison », alors que la densité carcérale globale atteint 127,3% dans les maisons d’arrêt, selon des chiffres du ministère de la Justice publiés lundi. Le nombre de détenus en France a atteint un nouveau record en septembre dernier, avec 78 969 personnes incarcérées contre 78 397 le mois précédent. La construction s’avère d’autant plus nécessaire que le Premier ministre compte proposer « des peines de prison courtes » pour certains délits et une « limitation » des « possibilités » d’aménagement de peines. Il entend également « stopper la violence des mineurs », avec une réflexion sur des « atténuations » de l’excuse de minorité ou encore sur une procédure de comparution immédiate pour les plus de 16 ans « déjà connus de la justice et poursuivis pour des actes graves d’atteinte à l’intégrité physique des personnes ». Il a néanmoins rappelé la nécessité du « respect de l’État de droit », après que son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a suscité de nombreuses critiques au sein du camp présidentiel et à gauche après avoir déclaré que l’État de droit n’était « pas intangible, ni sacré ».

Fin de vie

Michel Barnier a enfin annoncé qu’il comptait « reprendre le dialogue » avec le Parlement en début d’année 2025 sur le projet de loi sur la fin de vie, dont l’examen avait été suspendu à l’Assemblée en juin par la dissolution. Pour « accompagner les personnes en fin de vie », « nous allons reprendre le dialogue avec vous, avec le Sénat, les soignants et les associations, en début d’année prochaine sur le projet de loi dont l’examen a été interrompu par la dissolution », a expliqué le chef du gouvernement. Une fois son discours terminé, ce dernier n’a pas sollicité de vote de confiance des députés comme peut le faire le Premier ministre après sa déclaration de politique générale. Ses prédécesseurs Élisabeth Borne et Gabriel Attal ne l’avaient pas fait non plus, faute de majorité absolue.

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