Au lendemain de la défaite de 1870, Gambetta, à propos des « provinces perdues » et d’une éventuelle revanche, aurait dit : « Y penser toujours, n’en parler jamais ». Consigne curieuse puisque ce que l’on tait risque de disparaître de notre horizon et que « mettre des mots », nous le savons aujourd’hui, aide à affronter souffrances et problèmes.

On n’a vraiment pas choisi la discrétion pour les événements de janvier 2015 ; on les a abondamment commémorés. Je me suis demandé (question inconvenante ?) si on n’en faisait pas trop et si on n’entretenait et n’envenimait pas des plaies plus qu’on ne les soignait ou soulageait.

Le christianisme commémore beaucoup. Noël, Pâques, Pentecôte entendent préserver de l’oubli et rendre présents des événements passés. Quand Jésus, le soir de son arrestation, distribue à ses disciples le pain et le vin, il dit « faites ceci en mémoire de moi ». C’est bien un « mémorial » ; mais les textes précisent tout de suite que ce mémorial oriente vers un avenir, celui du Royaume de Dieu, qui y mettra fin (il en est à la fois la finalité et le terme). De même, les « fêtes » sont là tout autant pour annoncer ce que Dieu fera que pour rappeler ce qu’il a fait. […]