Elles sont nombreuses et bien connues : dégradation de la planète, enrichissement considérable des plus riches et appauvrissement des plus pauvres, précarisation souvent menaçante pour un toujours plus grand nombre de familles, marchandisation toujours accrue des relations, monétarisation des services et bientôt des corps, nourriture falsifiée, santé menacée par les impératifs financiers, immigration pénalisée et criminalisée etc…
Mais il y a aussi dans nos sociétés qui s’affichent comme démocratiques une violence plus sournoise, celle de certaines de nos institutions qui, par leur gigantisme et leur standardisation et ceci malgré les efforts de certains de leurs agents, rejettent l’autre dans l’anonymat d’un guichet ou d’un dossier numérisé, aggravant ainsi des situations réelles de souffrance qui conduisent au désespoir. Cette violence de plus génère, en réponse à cette violence, des comportements eux-mêmes violents. Le sentiment d’impuissance et d’absurdité provoque des réactions violentes et parfois criminelles qui sont autant de symptômes des impasses d’un monde qui ne sait plus où il va.
Et puis il y a la violence des mots, des mots qui ne veulent plus prendre en compte ces réalités, des discours anesthésiants qui sont autant de dénégations d’une situation qui risque de déboucher maintenant dans un avenir proche sur des catastrophes coûteuses en vies humaines, sur des troubles sociaux incontrôlables, sur des souffrances majeures.
Il s’agit là d’une violence où les connivences entre les puissants sont immenses, des connivences qui se manifestent dans (entre autres) l’élaboration d’une langue qui, sous des dehors d’expertise et de réalisme, est un écran de fumée destiné à consolider des pratiques économiques et financières et organise la mise en forme d’un « récit » qui veut montrer, comme le faisaient les mythes des religions traditionnelles, qu’il y a un destin incontournable et que l’on ne peut « pas faire autrement ». […]