Cette fois-ci, le gouvernement peut s’estimer satisfait : la réforme des retraites est adoptée. Certes, le Conseil constitutionnel va bientôt se prononcer sur la conformité de la loi mais, si les avis des experts à ce sujet varient, nul n’envisage que le cœur du texte présenté, la fameuse « mesure d’âge », puisse être sanctionnée. La tempête soulevée par l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution va-t-elle se calmer ?
« La Première ministre et le gouvernement peuvent pousser un grand « ouf » de soulagement, reconnaît dans un sourire Nicolas Roussellier, professeur à Sciences Po et à l’Ecole Polytechnique. La phase parlementaire est terminée, la guérilla politique aussi. La balle est désormais dans le camp du ministre de l’Intérieur, qui va devoir gérer la colère des manifestants, mais je pense que cela va s’éteindre au fil des jours. »
Un point de vue partagé par le philosophe politique Bernard Reber, pour qui même une radicalisation du mouvement social, d’éventuelles dérives semblables à celles des Gilets jaunes seraient surmontées sans trop de difficultés : « D’une manière ou d’une autre, la démocratie française a, grâce à une constitution très efficace, fait montre d’une grande solidité, à l’heure où toutes les démocraties sont traversées de mouvements populistes. »
Bien sûr, après avoir affronté pareille hostilité, le pouvoir exécutif pourrait avoir à cœur de temporiser. Mais rien n’est moins sûr.
D’abord parce que ce n’est pas le tempérament du chef de l’Etat de freiner des quatre fers, ensuite parce que le pouvoir exécutif a tout intérêt à profiter de cette victoire – fût-ce-t-elle coûteuse – pour se projeter dans l’avenir. Comme le dit Bernard Reber : « Il est dommage que le gouvernement ait été obligé d’en passer par le 49.3 pour faire approuver cette loi, mais ce résultat positif pour lui va permettre de passer à autre chose. » On peut de surcroît considérer que la capacité d’action d’Emmanuel Macron demeure. « Le Président, parce qu’il ne sera pas candidat en 2027, n’a pas besoin d’être populaire ou pas, rappelle Nicolas Roussellier. Alors, certes, pour faire approuver les prochaines réformes, je pense notamment au projet consacré à l’immigration, le pouvoir exécutif devra faire preuve de doigté ; mais cela devrait passer, non sans mal, mais passer tout de même. »
Restent justement l’amertume et la colère
On a coutume de dépeindre les électeurs en citoyens sans mémoire. Il faut l’admettre, un nombre élevé d’exemples issus de notre vie politique l’atteste : depuis la grève des mineurs en 1963 jusqu’aux grandes grèves de 1995 en passant par les manifestations de sidérurgistes lorrains en 1984, on ne compte pas les présidents détestés qui recouvrèrent l’appui des citoyens quelques années plus tard. Méfiance tout de même. A toute règle il existe une exception…
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