Certes, là n’est pas l’essentiel, mais la situation sociale, économique et politique de notre pays, et maintenant ce mouvement « Bloquons tout », inquiètent sérieusement ou agacent, c’est selon. Il n’y a pas lieu ici de dresser la liste des responsabilités mais de tenter de comprendre les mouvements de fond qui affectent nos sociétés.

Si l’on s’en tient aux manifestants du 10 septembre, un slogan frappe par son insistance : « Nous ne sommes pas entendus ». Certes, les fortes difficultés du quotidien ne sont pas absentes, mais ce que les manifestants n’acceptent pas, c’est que s’imposent à eux des décisions verticales qui impactent directement leurs conditions matérielles d’existence (les jours de congé, etc.). 

Un refus qu’a bien analysé Marcel Gauchet dans Le nœud démocratique. Le nœud du problème serait la radicalisation du sacre des droits de l’individu, qui minerait la souveraineté de l’État-nation et son identité. Classiquement, la citoyenneté consistait à prendre en charge le point de vue de l’intégralité de la société et à se donner une conception d’ensemble de ses orientations souhaitables. C’est ce point de vue qui s’est évanoui. Refusant toute « verticalité contraignante » et « guidage de surplomb », nos sociétés d’individus hédonistes et libres tendraient à réduire la démocratie à une « société politique de marché », conclut Marcel Gauchet. On comprend mieux dans ces conditions l’inanité des discours politiques sur les efforts collectifs exigés pour résoudre la crise financière.

Quelles solutions alors ? Revitaliser le commun, et pourquoi pas l’État-nation, suggère Marcel Gauchet. Mais pour ce faire, une pratique clairement plus horizontale ou décentralisée du pouvoir, qui correspond mieux d’ailleurs à l’ethos protestant, devrait s’imposer.  

Jean-Luc Mouton, journaliste, pour « L’œil de Réforme »

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