« Presque toi, presque moi », chante, avec justesse, Alain Souchon : il existe toujours un écart entre la réalité empirique, infinie, insondable en tant que telle, et l’univers du langage qui veut la maîtriser. Paradoxalement, je ressens davantage cette non-coïncidence quand il s’agit d’aborder un sujet « vécu » que lorsque je présente mes recherches. La solution a consisté à ressusciter le double que je m’étais inventé lors de mon adolescence, quand j’étais « poète » ! J’avais appelé cet autre moi-même Mag, je ne sais trop pourquoi. Mais j’en ai compris le sens, quelques années plus tard, en découvrant dans Molloy, l’admirable roman de Samuel Beckett, ces deux phrases : « Moi, je l’appelais Mag, quand je devais lui donner un nom. Et si je l’appelais Mag c’était qu’à mon idée sans que j’eusse su dire pourquoi, la lettre g abolissait la syllabe ma, et pour ainsi dire crachait dessus, mieux que tout autre lettre ne l’aurait fait. »
Comment mieux exprimer l’ambivalence, la part d’ombre de tout être humain ? De plus, le fait que Mag soit un prénom féminin, était, a posteriori, loin de me déplaire. Voici donc un nouvel épisode des aventures de « Mag ». Les doutes de Mag commencèrent en 2013, lors d’un énième séjour à Florence. Manifestement, son épouse se comportait comme si elle voyait le dôme pour la première fois ou n’avait jamais visité le musée des Offices. Elle dut, elle-même, ressentir ses trous de mémoire, voulut se rassurer et, en fait, les lui rendit plus perceptibles en prétendant reconnaître les vitraux, les statues, l’orgue d’une église nouvellement découverte. Semblable attitude se généralisa par la suite : ainsi, après une balade en […]