En quelques années à peine, beaucoup de lieux de notre Eglise ont connu des évolutions considérables, à un point tel que se pose aujourd’hui la question de leur devenir. Quels constats peut-on faire dans ce domaine ?
En Eglise, comme dans toute la société, nous sommes touchés par un double phénomène. D’une part l’individualisme ; chacun fait ses propres choix, selon ses besoins et envies. Pour notre Eglise, cela signifie qu’il y a beaucoup moins de paroissiens, pour lesquels les sollicitations venant de leur paroisse sont prioritaires. Ainsi, aller au culte le dimanche est un choix parmi d’autres tout aussi valables, comme bruncher avec ses enfants, faire sa séance de sport hebdomadaire… Le catéchisme est devenu une option comme une autre à côté du foot ou bien d’autres activités de loisirs. Les conseillers presbytéraux ne se voient plus comme étant au service de l’Eglise, mais comme des bénévoles qui s’investissent pour un temps ou une action donnés… C’est ainsi que nous nous retrouvons avec certaines activités traditionnelles désertées et autant de lieux de vie en moins.
D’autre part, le pluralisme dans un monde ouvert, où les groupes anciennement constitués – mon village / les miens / mon Eglise… – tendent à se fondre dans un paysage indifférencié, est un état de fait extrêmement déstabilisant. Pour notre Eglise, cela se traduit par un sentiment de décalage, de perte et de peur du changement. Nous nous rendons bien compte combien nos cultes traditionnels sont imperméables pour les jeunes et même les moins jeunes. Le langage d’Eglise même est devenu incompréhensible. Parlez-leur du salut, ils entendent qu’on dit « bonjour » ; la messe ou le culte c’est pareil, et peu savent encore à quoi se réfèrent les grandes fêtes chrétiennes. Or, une Eglise en rupture de transmission et de renouvellement des générations, n’a effectivement pas beaucoup d’avenir.
Comment les paroisses réagissent-elles à ces situations nouvelles, par exemple sur le territoire de l’Inspection de Brumath ?
Nous avons commencé par engager une démarche de réflexion en plusieurs étapes. D’abord, il faut accepter de voir la réalité telle qu’elle est, de prendre la mesure de l’état de nos paroisses en termes de fréquentation, d’engagement, des conséquences quant aux moyens, mais aussi en termes de représentations : en quoi croyons-nous aujourd’hui ? Avant de manquer de pasteurs, notre Eglise manque… de paroissiens !
Ensuite, il s’agit de trouver un souffle nouveau en se donnant des perspectives d’avenir. Nous réfléchissons concrètement à comment faire Eglise et être Eglise avec les moyens humains et matériels qui sont les nôtres aujourd’hui et dans un avenir envisageable. Qu’est-ce qui nous motive ? Tenons-nous encore à l’Eglise ? Voulons-nous participer, à notre échelle, à la grande aventure de l’Eglise universelle, être sel de la terre et signes d’une façon alternative d’être au monde et de vivre nos relations interpersonnelles ? C’est quoi pour nous, œuvrer à l’annonce de l’Evangile ? Que voulons-nous vraiment vivre ensemble ? Ces questions ouvrent un horizon au constat de perte et aux deuils à faire. A partir de là nous pouvons poser des priorités et élaguer !
Pourriez-vous nous donner quelques exemples d’initiatives, d’actions, de projets concrets en réponse à ces constats ?
Lorsqu’on est contraint de réduire la voilure sans trop de dommages, il faut mettre en commun les moyens et les forces disponibles. Mutualiser et partager sont les mots clés de ce processus. Ainsi les pasteurs travaillent davantage ensemble. Dans le consistoire de Vendenheim, par exemple, trois pasteures préparent ensemble les cultes Quatre pattes *. Ensuite, chacune le proposera dans sa paroisse en invitant alentour. Par ailleurs, les pasteurs ne pouvant plus être seuls la cheville relationnelle de la communauté paroissiale, un projet de formation de visiteurs en paroisse et de suivi pour de groupes déjà existants est en cours dans deux consistoires. Ou encore : le projet de fusionner les consistoires de Bischheim et Schiltigheim en une seule unité, une simplification administrative qui entérine une collaboration étroite déjà bien établie des pasteurs et des paroisses à travers des projets inter-consistoriaux.
En fin de compte,cette situation de crise oblige à redéfinir ce qui est essentiel, stimule la créativité et permet de régénérer des fonctionnements usés. Ce qui est bien la vocation d’une Eglise semper reformanda, continuellement en chemin. Je suis persuadée que nous sommes dans les prémices d’un renouvellement heureux.