Dans les lignes qui suivent, nous chercherons à relever plusieurs éléments « cachés » qui contribuent aux événements appelés aujourd’hui « la Réforme ».

L’Eglise aux commandes de la société

Nos sociétés contemporaines distinguent entre les domaines religieux et politique. L’Europe mé­diévale ne connaît guère cette séparation. Les rois et les empereurs sont chrétiens, de même que leurs royaumes. En réaction à la mainmise des seigneurs et princes sur l’Église dans leurs territoires, l’Église du 11e siècle a fortement cen­tralisé le pouvoir papal. En corollaire, l’Église affirmait son autorité sur le domaine politique. La bulle papale Unam Sanctam (1308) repré­sente le point culminant de cette prétention. « Les paroles de l’Évangile nous l’enseignent : en elle et en son pouvoir il y a deux glaives, le spirituel et le temporel […]. Les deux sont donc au pouvoir de l’Église, le glaive spiri­tuel et le glaive matériel. Cependant l’un doit être manié pour l’Église, l’autre par l’Église. »

La papauté ou le concile ?

Les penseurs politiques souhaitent se défaire d’une telle autorité ecclésiale. Au 14e siècle, Marsile de Padoue affirme la souveraineté du peuple, début de la « laïcité de l’État ». En même temps, il pense que le pouvoir ecclésiastique suprême ne réside ni dans la papauté ni dans l’épiscopat, mais dans un concile composé de délégués laïques et ecclésiastiques représentant l’ensemble. En appelant à un concile en 1520, Luther se place clairement dans ce courant appelé « laïc ». La papauté d’Avignon et le schisme papal qui s’ensuit (1378-1415) sont un scandale pour l’Eu­rope. L’Église « une » aura pendant cette pé­riode deux têtes rivales, chacune parlant « au nom de Dieu ». C’est par la tenue d’un concile à Constance (1414-1418), que l’Église met fin à ce schisme, proclamant que l’autorité finale dans l’Église réside dans le concile et non dans la papauté. Le mouvement conciliaire propulse un mouvement « réformateur ». On proclame haut et fort que l’Église doit être « réformée dans sa tête et dans ses membres ». Un siècle avant Luther, le besoin de « réforme » est officiellement constaté. […]