Le mendiant de la grâce, présenté à travers toute la région cet automne, mobilise environ trente artistes et une équipe technique de professionnels ainsi que six chorales amatrices. Cette création mondiale se veut ambitieuse mais accessible à tous.
La genèse du projet remonte à 2013 : « Ce printemps-là, se souvient l’écrivain Gabriel Schoettel, Daniel Leininger, responsable du service musique de l’UEPAL, m’a contacté pour ‘écrire quelque chose qui tourne autour de Luther en vue d’un projet musical’. Il n’était pas encore question d’opéra mais j’étais perplexe : je suis un protestant de base et à l’époque mes connaissances sur Luther devaient tenir en dix lignes. » Il réfléchit, frappe à la porte du professeur Marc Lienhard, l’éminent spécialiste du réformateur, qui lui fournit la documentation nécessaire. Quelques mois plus tard, celui qui signe régulièrement des pièces de théâtre accepte de se lancer dans l’écriture. Résultat : un texte en onze tableaux. En 2014, ils sont confiés à un compositeur à la carrière internationale, l’Alsacien Jean-Jacques Werner, dans l’idée d’en faire un oratorio (drame lyrique qui traite d’un sujet en général religieux, sans mise en scène). Du haut de ses 80 ans, celui-ci, après avoir « humé le texte », écrit alors une musique pour un orchestre de onze instrumentistes, des chœurs et des solistes. Elle s’inspire entre autres de mélodies luthériennes bien connues et, selon lui, « bouge beaucoup ». « Cela m’a pris tout entier pendant deux ans », confie-t-il. L’idée de théâtraliser l’œuvre et d’en faire un opéra est ensuite apparue peu à peu. La mise en scène, voulue sobre et centrée sur le jeu des acteurs, « apportera à l’œuvre une dimension forte », estime Daniel Leininger.
Ouvrir les portes de l’opéra
L’une des particularités de cet opéra, d’une durée d’environ une heure trente, sera de réunir sur scène des jeunes artistes professionnels ou en passe de le devenir avec, dans chaque lieu, une chorale d’environ trente non-professionnels, constituée pour l’occasion. Marlise Winter, qui prépare les chanteurs volontaires du côté de Saverne, se réjouit de la tournure que prennent les répétitions : « Au début j’avais un peu peur parce que la musique n’est pas celle à laquelle sont habitués les choristes ; mais la sauce prend et ça sonne bien. » Même enthousiasme pour Christine Neumeister, orthophoniste qui participe au chœur strasbourgeois : « Je suis ravie de contribuer à ce grand projet ; d’ailleurs cet été j’ai même emporté mes partitions en vacances pour les travailler. »
Autre aspect original de l’événement : dans chacun des six lieux de représentation, avant le spectacle, une association caritative ou paroissiale rassemblera autour d’un repas une dizaine de personnes en situation de précarité sociale puis leur offrira une place à l’opéra.
Fédérer des énergies
Si l’UEPAL a fait le choix de porter ce projet et de le financer à hauteur de dix pour cent, c’est selon son président Christian Albecker « parce que 2017 est une année exceptionnelle » et qu’« il est important que le plus grand nombre de personnes, aussi en-dehors des Églises, puisse entendre et recevoir quelque chose à travers un produit culturel de qualité qui sort des sentiers battus ». Concrètement, l’opéra Luther sera une coréalisation de l’association de l’UEPAL pour la promotion de la musique d’Église, Musiqu’Com, et du bureau d’artistes L’Arrach’chœur, sollicité pour accompagner la mise en œuvre du projet sur les plans administratif, juridique et logistique. Son coût financier, estimé à 207 000 euros, nécessite une vaste campagne de collecte de fonds, actuellement en cours. Des partenaires privés et publics apportent d’ores et déjà leur soutien (notamment la Région Grand Est et la Ville de Strasbourg, via le rassemblement Protestants en Fête).
Une chose est sûre : tous les acteurs que ce projet mobilise forment le vœu qu’il suscite une véritable dynamique régionale.