Deux aumôniers auprès d’agriculteurs, l’une protestante, l’autre catholique, revisitent ensemble ce passage d’un des récits de la création…
Les verbes « soumettre » et « dominer » laissent supposer que l’être humain pourrait régner en maître absolu sur la création. Ils sont souvent utilisés pour traduire le texte hébreu en question mais la notion d’« assujettir » est plus proche de l’original. C’est en tout cas ce que pensent Pascale Cornuz, de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud en Suisse et Sébastien Laouer, prêtre en Alsace. Tous deux soulignent que « l’être humain n’est pas maître de tout sans limite », même s’ils considèrent ce passage biblique comme «une bénédiction où est exprimé un espoir de fructification et d’espérance ». « Dieu confie la création à l’humain et lui en donne la maîtrise. Tel un berger, son rôle est d’assurer l’équilibre et la protection de l’ensemble », estime Pascale Cornuz. Sébastien Laouer et elle insistent sur la complémentarité et le nécessaire respect de tous les êtres vivants, de même que sur l’importance de « se reconnecter à une cohérence : faire des choses qui respectent autant l’outil de travail que l’être humain».
La Genèse ne légitime donc pas la volonté prédatrice de l’être humain. Sébastien Laouer y voit au contraire un appel à retrouver sagesse, humilité et bienveillance, y compris pour les consommateurs que nous sommes : « Il nous faut reprendre conscience que nous sommes des créatures de Dieu et penser à l’après, pour nos enfants, petits-enfants et les générations suivantes, à qui nous avons à léguer un héritage ».
Une alternative à des visions extrêmes
Ce passage de la Bible n’est pas pour autant un appel à anthropomorphiser les animaux ou les végétaux. «Le texte n’indique pas de hiérarchie entre les différentes créatures mais une logique où l’humain est responsable. Respecter l’animal, ce n’est pas lui demander ce qu’il pense, estime Pascale Cornuz, convaincue que si on ne touche plus aux animaux et qu’on n’exploite plus les terres, on reviendra en arrière : la forêt reprendra toute la place ». Tandis que Pascale Cornuz actualiserait volontiers le texte millénaire par «Vivez en cohérence avec la terre, dans la joie», Sébastien Laouer voit dans ces versets de la Genèse un écho au Cantique des créatures de François d’Assise et «une charte susceptible de générer des comportements nouveaux et vertueux. »