Une mère demande à son fils ce que le rabbin a expliqué sur Pessah. « – Il nous a dit, explique l’enfant, que Moïse et les Hébreux étaient coincés devant la mer. Alors là, l’armée débarque avec des centaines de bateaux et des avions pour bombarder l’Égypte…

La mère de s’exclamer : – Quoi ? Il vous a vraiment dit ça ?
– Non, mais si je te raconte ce qu’il a dit, tu ne le croiras pas ! »

Cette blague illustre bien notre rapport compliqué à ce qui fait vérité. Mythique ou scientifique, empirique ou théorique, une vérité n’en est jamais une tant que je ne lui donne pas mon « oui ». En voulant rendre le récit d’Exode 14 plus plausible, on révèle au contraire combien l’invraisemblable du mythe fait vérité, tandis que toute tentative à le traduire dans les catégories du plausible éclate comme une supercherie.

C ’est peut-être ici que réside ce que l’on nomme vérité : l’interstice entre ce que je ne peux pas croire (parce que ce n’est pas mon éducation, ma tradition, ma culture) et ce que je ne veux pas croire (parce que cela va à l’en-
contre de mon expérience, de mes convictions, de mon raisonnement). La vérité est souvent celle qui m’arrange. Et Hubert Reeves d’invoquer le PFH, le « putain de facteur humain » : la capacité à s’arranger avec les faits objectifs pour que ma compréhension du réel convienne toujours à ce que je veux croire. La vérité n’est pas l’exactitude objective ; elle est un positionnement par rapport à elle.

Fake news, théories du complot et soupçon permanent révèlent notre besoin de croire en des vérités qui prolongent nos ressentis au-delà de nous-mêmes. Une vérité existe (littéralement « est hors de ») quand je la reconnais ailleurs qu’en moi : en quelqu’un ou quelque chose. Ainsi, je crois, car je vois d’autres croire la même chose que moi .

Matthieu 27.62-66 illustre comment la vérité s’affranchit des faits : le tombeau, même scellé et gardé, n’empêche pas l’avènement de la résurrection. Ainsi, l’acte de foi prévaut sur toute contingence. En cela, toute religion pourrait être lue comme relevant des fake news ! C’est là l’enjeu critique de la théologie : « comprendre par la raison ce que la foi croit déjà », pour reprendre les mots de Karl Barth.

Finalement, toute vérité est telle… tant qu’une autre n’en révèle pas le mensonge ou la limite. En cela, la vérité n’est jamais un fait, mais un horizon, une recherche, un processus. Ainsi pouvons-nous relire à nouveaux frais ce verset : « C’est moi qui suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14.6). C’est la véracité de cette parole qui fonde la vérité de notre foi.

AUTOUR DES «FAKE NEWS»

On a commencé à parler de fake news (information truquée, mensongère – NDLR) à l’occasion de l’investiture de Donald Trump (janvier 2017) : y avait-il foule pour y assister? Ou pas? Le phénomène est apparu dans une période de peur, amorcée avec le 11 septembre. Des rumeurs présentent des informations vraisemblables avec un agenda. Ou bien il s’agit d’une information grave qui joue sur l’émotion et fait réagir immédiatement. On utilise les réseaux sociaux, sur fond de théorie du complot, avec une tendance anti-experts (tout le monde peut contribuer à l’info…). En Macédoine ou en Azerbaïdjan, ce sont des rues entières d’officines gérées par des maffias qui fabriquent des fake news. Aujourd’hui, de plus en plus d’enseignants apprennent aux jeunes à distinguer le vrai du faux.
D’après une conférence de Nathalie Leenhardt, directrice de Réforme.