Au 9e siècle avant Jésus-Christ, le roi Achab règne sur Israël. Achab est infidèle au Seigneur comme ses prédécesseurs. De plus, son mariage politique avec Jézabel l’amène à introduire, dans le royaume du Nord, le culte de Baal, dieu de l’orage (1 R 16.29-33). Les Israélites ont fait l’expérience du Dieu libérateur qui les a fait sortir d’Égypte, mais, pour leurs récoltes, ils adorent, en plus du Seigneur, un dieu associé à la pluie et à la fertilité. Pour marquer son opposition à Baal, Elie annonce, au nom du Dieu d’Israël, la cessation de la pluie et de la rosée. Ainsi la sécheresse est la conséquence directe de cette idolâtrie (1 R 18.18). Pendant ce temps de famine, Dieu prend soin de son serviteur et le nourrit miraculeusement à trois reprises : par des corbeaux, par une veuve et par un ange. C’est le deuxième miracle, raconté en 1 Rois 17. 8-16, qui fait l’objet de cet article.

En mission chez les ennemis

Ce récit commence par une formule typique de l’envoi en mission : « Lève-toi, va ». Cette expression, qui concerne en particulier un messager de Dieu, s’adresse aussi à des personnes en détresse pour les remettre debout (Jos 7.10). Élie est envoyé par Dieu en pays étranger, à Sarepta, près de Sidon d’où sont originaires Baal et Jézabel, sa pire ennemie. Au début de son ministère, alors qu’il est rejeté par les siens, Jésus reprend ce récit et souligne le fait qu’Élie a été envoyé vers une veuve païenne et non vers une veuve juive (Lc 4.25-26). Il semble que le « signe » essentiel, pour Jésus, ne se trouve pas dans le miracle de la farine et de l’huile, mais dans le fait d’aller annoncer la Bonne Nouvelle aux plus pauvres.

Missionnaire-Mendiant

L’enjeu de la mission d’Élie est d’amener la vie là où la mort menace. Mais cette mission bouscule les représentations que nous avons, en général, du rôle missionnaire. Dieu n’envoie pas Élie avec la mission de donner, mais avec celle de recevoir, d’être logé et nourri. Sa mission consiste à entrer en relation avec une personne et non d’exercer un pouvoir. L’envoyé part en mendiant vers une veuve sans identité, pauvre, étrangère et païenne, chargée par Dieu de prendre soin de lui. Ce récit situe la relation entre l’accueillant et l’accueilli sur un même niveau. Tous deux sont en situation de manque. Ils manquent de pain, ce moyen de subsistance si essentiel, que manquer de pain, c’est manquer de tout. […]