Dans la mentalité commune, en effet, la critique est souvent perçue comme une entreprise de démolition systématique de toutes les certitudes. Mais celle ou celui pour qui l’Évangile est une vérité qui libère (Jn 8,10) peut ou doit faire l’hypothèse inverse : la critique (c’est-à-dire, étymologiquement, une intelligence qui fait le tri entre ce qui est juste et faux, intelligent et stupide, etc.) n’est-elle pas au contraire plus évangélique qu’une docilité sans recul ? L’Évangile n’est-il pas l’appel le plus radical à lacritique en matière religieuse ? Après tout, la Parole de Dieu elle-même est qualifiée de critique dans la fameuse envolée de l’Épître aux Hébreux 4,12 : « Elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus tranchante qu’aucun glaive […], apte à discerner (kritikos) les mouvements et les pensées du cœur ! »

En fait, le rabbi Jésus est bel et bien, pour ses disciples d’hier comme d’aujourd’hui, le chantre de la Parole critique. Il prend hardiment, et non sans risque, ses distances avec la Loi de Moïse – du moins selon l’interprétation rigoriste, codifiée, « prédigérée » qu’en faisaient certains esprits religieux de son temps ! […]