Dans certaines sociétés de conseil ou de services à distance, les équipes sont en télétravail total depuis mars 2020. Pour d’autres, le travail depuis la maison s’est imposé deux à trois jours dans la semaine, jusqu’à repasser à 100% quand le métier le permet, avec une dérogation d’une journée possible en présentiel pour tous ceux qui vivent mal le télétravail. Enfin, certains métiers ont été totalement suspendus pendant des mois, comme dans la restauration ou le commerce.

A partir du 19 mai, puis du 9 juin, les entreprises sont autorisées à accueillir à nouveau leurs employés, à condition d’avoir convenu avec les partenaires sociaux des conditions de reprise, en termes de jauge ou de nombre de jours minimal de télétravail.

Certains rêvent déjà de revoir leurs collègues et de reprendre les petites habitudes conviviales qui émaillent la journée de travail, d’autres se satisfaisaient très bien de travailler seul sans être dérangés, quand d’autres encore redoutent de retourner dans des lieux clos et fréquentés – de potentielles sources de contamination.

Alors, allons-nous réussir à travailler à nouveau ensemble ?

1 – Il va d’abord falloir dépasser ses peurs éventuelles, et se donner le temps d’acquérir ou de reprendre des habitudes préventives liées au retour de la vie en collectivité. Les gestes barrières sont loin d’être terminés, et le port du masque sur le lieu de travail va certainement se maintenir pendant quelque temps, de même que la distanciation et la désinfection des mains, des surfaces et des locaux. Des mesures qui prennent du temps, et qu’il faut désormais intégrer dans toute activité : avant une réunion, après, lors d’un entretien ou d’un rendez-vous…

Un conseil : lisez attentivement les consignes dès votre retour et appliquez-les posément et à la lettre, au besoin en les lisant à haute voix ou en les pointant sur une liste, pour ne commettre aucune erreur. Au bout de trois semaines au grand maximum, elles seront à nouveau devenues des habitudes.

2 – Il est peu probable que la restauration d’entreprise redémarre avant l’été. Donc, finis pour le moment le café convivial ou le déjeuner partagé, en parlant de tout et n’importe quoi. Il va certainement falloir apporter son repas, et le prendre dans un espace vaste, aéré, voire ouvert, et à bonne distance les uns des autres. Une modalité qui permet peu les conversations de table.

Un conseil : dans la journée, trouvez des petites occasions pour échanger avec vos collègues sur les anecdotes de l’actualité ou du quotidien, et pour plaisanter. L’humour reste un bon moyen de prendre de la distance, comme on l’a déjà constaté. Ces moments sans objectifs précis sont des respirations bien appréciées dans la journée, des sas de décompression qui vous ont certainement manqué lorsque vous étiez seul chez vous. Dès que le temps le permet, allez de temps à autre déjeuner à l’extérieur – dans tous les sens du terme – pour rétablir la convivialité « hors les murs ».

3 – Les repères dans le temps sont sans doute ceux qui vont être les plus délicats à remettre en place. En télétravail, l’absence de temps de transport a considérablement modifié la structure de la journée de travail. En bien comme en mal. Il va désormais s’agir de reprendre les transports pour arriver à la bonne heure les jours où l’on est en présentiel, mais l’avantage c’est que la transition entre journée de travail et vie personnelle sera mieux marquée le soir. Il est possible que vous constatiez que vous dormez mieux.

Un conseil : redonnez la place à votre agenda pour organiser votre journée et profitez des temps de transport le matin comme le soir comme autant de sas entre vos deux temps de vie, pour tourner la page dans votre tête.

4 – Ceux qui avaient l’habitude de travailler seul et concentré, c’est-à-dire vite et bien, vont à nouveau être confrontés aux dérangements et distractions habituels d’un lieu de travail : bruit, passage, interruptions, sollicitations… Compte tenu d’un degré d’irritabilité encore assez présent (et dont j’ai déjà eu l’occasion de parler) il est à craindre que les petits accrochages agacés entre voisins de bureau ou collègues proches se multiplient – tout au moins au début.

Un conseil : armez-vous de patience et tentez de prévenir les dérapages intempestifs. Il est nécessaire de se « reconditionner » aux affres de la vie de bureau. Elles restent des concessions minimes. Je vous déconseille de vous replier dans votre bulle en mode « autiste », un casque vissé sur la tête pour bien faire comprendre que nous n’êtes dérangeable sous aucun prétexte. Votre voisin vous agace parce qu’il parle trop fort ? Faites-le lui remarquer sans animosité : lui aussi a perdu l’habitude d’être en collectif.
Adoptez un mode de communication simple et clair, c’est-à-dire direct, et non sujet à interprétations. Vous n’avez pas compris la remarque ou la question d’un collègue ? Demandez-lui de s’expliquer simplement, sans agressivité.

5 – Mais le plus difficile va sans doute être de reprendre des interactions : aller vers les autres, poser des questions, prendre des avis, proposer des idées, écouter les autres, supporter la contradiction, affronter remarques ou critiques… Cela demande une énergie à laquelle nous ne sommes plus habitués – et de quitter notre mode égocentré et une forme de toute-puissance.

Un conseil : souvenez-vous comment vous faisiez avant. Observez les comportements des autres et en groupe, attendez un peu avant de répondre du tac-au-tac. Mobilisez la bienveillance dont vous êtes capable : vos collègues, chefs ou assistants – voire clients – sont comme vous. Considérez-vous comme des personnes sortant d’un long sommeil, et qui doivent se réapprivoiser. Prenez le temps.

Dernier conseil : positivez votre retour en présentiel. Les liens directs sont plus efficaces et moins fatigants que leurs équivalents distanciés. Il se peut que vous retrouviez le vrai plaisir de travailler en équipe. Nous sommes des animaux sociaux, et au travail l’intelligence collective est un fort facteur de réussite, de fierté et de cohésion d’un groupe. Une illustration concrète de ce fameux proverbe africain : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ».

Regards sur le travail - picto