Pour ne pas tomber dans le stress extrême, il est salutaire d’apprendre à dire non. Mais pourquoi est-ce si difficile – et comment faire ?

Stop ! Combien de fois avez-vous pensé cela sans parvenir à le faire : dire que c’est « trop », pas possible – ou tout simplement que vous n’avez pas envie ?
Dire non peut être difficile si cela signifie à nos yeux :
– je ne sais pas faire
– je n’ai pas envie
– je ne veux pas/ne peux pas t’aider

« Ça ne se fait pas » de dire « non », ça n’est pas « gentil », c’est un manque de responsabilité… Combien de fois nous assénons-nous ces petites phrases critiques ? Mais souvent, dire non signifie simplement : je n’ai pas le temps, voire « ça n’est pas prioritaire » maintenant.

Ayez conscience que ces limites viennent de vous et aussi – un peu – de votre éducation : c’est vous qui décidez en fonction de vos valeurs, limites et peurs, pas uniquement les autres qui imposent, ni vous mettent la pression. C’est aussi – beaucoup – la faute de vos « drivers », ces messages intégrés et contraignants.

Repérez vos « drivers »

Le driver, c’est un programme automatisé qui nous impose une façon de faire et de réagir. Dans le prolongement des travaux d’Eric Berne, le père de l’analyse transactionnelle, le psychologue américain Taibi Kahler a identifié les cinq principales injonctions contraignantes, héritées de notre enfance, notre éducation, nos modèles :

– Dépêche-toi !
Ce driver incite à aller toujours plus vite sans ménager sa peine, sans perdre son temps, et sous une certaine pression. Il rend les personnes qui sont sous sa coupe aussi impatientes qu’hyperactives – et jamais en paix.

– Sois parfait !
Le perfectionnisme soumet à l’effort constant, teinté d’une insatisfaction permanente car rien n’est jamais assez bien fait. C’est un driver frustrant car on peut toujours faire mieux – ou plus.

– Sois fort !
Ce driver ignore les sensations personnelles de l’individu qui y est soumis au détriment de la réussite, y compris dans la pénibilité ou la souffrance. Il faut être « dur à la peine », ne pas ménager ses efforts, résister envers et contre tout, fournir une masse importante de travail sinon ça n’a pas de valeur…

– Fais (moi) plaisir !
Quand on est sous le contrôle de ce driver, l’action est tendue par la validation, l’approbation ou la satisfaction de l’autre. Ce qui est agréable à l’autre passe avant mon bien-être personnel – ce dernier n’ayant d’ailleurs que peu d’importance.

– Fais des efforts !
Un message contraignant qui laisse entendre que tout se mérite et que rien ne se fait sans constance ni engagement soutenu. Il faut que cela « coûte » pour que ce soit mérité et valable.

Chacun d’entre nous a un driver très opérant, et un ou deux autres sous tendus. Ces programmes influent sur notre aptitude à pouvoir dire non, avec les conséquences que cela peut avoir :

  • un « dépêche-toi » aura du mal à prendre du temps pour lui,
  • un « sois parfait » peinera à faire moins bien,
  • un « sois fort » rencontrera des difficultés à respecter ses douleurs ou états d’âme,
  • un « fais-moi plaisir » laissera peu de place à ses propres besoins et envies,
  • un « fais des efforts » s’abandonnera rarement à la facilité.

Activer le « non »

Pour que cela soit acceptable, derrière le non, retrouvez le oui : à quoi avez-vous envie de dire « oui », quand vous dites « non » ?

  • Vous dites oui à vos envies…
  • Vous dites oui à vos besoins de récupération, de loisirs, de calme…
  • Vous dites oui à votre santé, tant physique que psychologique…
  • Vous dites oui à votre plaisir…
  • Vous dites oui à votre liberté et à votre temps qui est si précieux…

Facile, me direz-vous, mais je ne suis pas toujours en mesure de le faire… Certes, non. Mais en y regardant de plus près, vous découvrirez un grand nombre de circonstances dans lesquelles vous pouvez dire stop. Je persiste à croire qu’on a toujours le choix – je sais, c’est une de mes croyances !

A leur place, pourriez-vous dire non ?

  • Victoria : « J’ai déjà trois enfants à la maison ce week-end, je n’ai aucune envie de prendre les jumeaux de mon frère en plus, mais je ne voulais pas le laisser dans l’embarras ».
  • Catherine : « Ma collègue fêtait son anniversaire de mariage, j’ai accepté de finir son travail pour qu’elle parte à l’heure ».
  • Sylvie : « Mon boss m’a présenté cette nouvelle mission comme une occasion unique, ça ne se refuse pas ».
  • Paul : « Mon ex-femme insiste pour avoir les enfants en août alors que ça ne m’arrange pas du tout. Si je m’y oppose, ça va encore faire toute une histoire ».

Dire non vous demande du courage, mais pas tant vis-à-vis des autres que de vous-même : vous avez peur des conflits, vous craignez d’être mal jugé, vous allez avoir le mauvais rôle, vous passerez pour un méchant, on vous prendra pour un égoïste/sans cœur, ce sera « la honte »…
Oui, et ? Et bien d’ici quelques heures ou jours, tout cela sera passé ou oublié… D’ailleurs nombre de personnes à qui l’on dit non l’oublient elles-mêmes au bout d’un temps relativement court.

Dire non est difficile pour tous eux qui sont « pilotés » par un « Fais-moi plaisir » ou par un « Fais des efforts ». D’ailleurs l’association des deux est détonante ! Ils pensent qu’il faut d’abord faire passer le plaisir des autres avant le leur, ils estiment qu’il faut dont se donner sans compter, même si c’est dur ou au détriment de leurs propres envies ou choix.

Pour y remédier, il y a trois sortes de « oui », et une formule magique qui peuvent vous y aider :

oui, mais
Vous opposez une objection, qui permet à votre interlocuteur de revoir le problème. « Je veux bien prendre les jumeaux, mais tu les amènes à 8h du matin car Gaspard a son cours d’équitation ».

oui, plus tard
Vous différez la réponse dans le temps. « J’adorerais te rendre service, mais ce ne serait possible pour moi que jeudi soir  ».

oui, ou bien
Vous proposez une alternative. « J’ai conscience de la confiance que vous m’accordez avec cette mission supplémentaire et je vous en remercie mais Marie qui a plus de temps que moi ne serait-elle pas plus indiquée ? ».
A ce titre, je vous alerte sur la tentation narcissique d’accepter une vraie-fausse promotion qui n’est qu’une manière détournée de vous faire accepter une surcharge de travail.

Et la formule magique : « je vais réfléchir… »
Cette réponse est un « peut-être » qui permet de ne pas s’engager trop vite, vous fait gagner du temps, et trouver les bons arguments pour refuser éventuellement ensuite.

L’un de mes clients, dont les parents étaient italiens, me faisait observer que dans son village natal, quand un homme voulait emprunter une somme d’argent – ou un engin agricole – à un voisin, ce dernier répondait immanquablement : « Je vais demander à ma femme… ». Personne ne s’en offusquait car personne ne s’engageait à la légère… et encore moins sans l’avis de la Mamma !

Commencez par des « petits non », et ensuite ça n’est plus qu’une question d’habitude. Non ?

Quand vous parlez, dites “Oui” ou “Non” : tout le reste vient du Malin. (Matthieu, 5:37)