Pauvres petits citadins que nous sommes ! La plupart d’entre nous ignore tout de ces savoirs les plus évidents que possédait un enfant il y a encore 60 ans : se repérer dans la nature, reconnaître une plante ou le chant d’un oiseau, évaluer approximativement l’heure qu’il est… Nous sommes devenus étrangers à la nature. Si la technologie règne en toute puissance – nous y avons aussi gagné en santé et en confort – elle a cependant pris le pas sur les techniques naturelles et nous nous coupons de ce milieu qui nous était familier.
Pourtant, depuis les différents confinements – et leur focalisation sur ce qui est essentiel et ce qui l’est moins – un vrai mouvement s’est dessiné pour réapprendre ce que nos ancêtres faisaient facilement : faire du pain, récolter des légumes, fabriquer (presque) tout soi-même…
Mieux, dans un étrange effet de balancier, c’est la nature qui est aujourd’hui une source d’innovation pour la technique.
C’est en tout cas ce qui se développe avec le biomimétisme, une approche appliquée à l’industrie, à l’architecture ou au design, et qui se sert de la logique de la nature pour innover et améliorer notre habitat, notre santé ou notre environnement ou même créer des objets fonctionnels. La nature sert de modèle et fait avancer la technique, comme dans les nombreux exemples que recense le Ceebios.
Au quotidien, elle nous apprend la patience, la persévérance et la conscience de l’éphémère, car la nature est aussi philosophe.
Comment pratiquer ?
Pour apprendre à reconnaître plantes ou chants d’oiseau, c’est le digital qui peut nous aider dans un premier temps, avec ces applis qui identifient l’environnement : PlantNet pour les végétaux (testée et approuvée, pendant le premier confinement, je pense avoir scanné à peu près tout au cours de mes courtes balades – et beaucoup appris), BirdNet, le Shazam des oiseaux, PictureInsect pour les futurs entomologistes et Seek pour à peu près tout ce qui est vivant sur terre…
Un certain nombre de serious games (jeux sérieux, en français) associent découvertes et approche ludique. Idéal pour les enfants ou les adolescents que les visites pédagogiques ennuient profondément, comme 3rdWorldFarmer, qui propose de gérer en ligne une ferme (une version en français), MyPlantLife qui sensibilise aux besoins d’une plante tout au long de son cycle de vie ou SimAgro pour apprendre à gérer un verger.
Mais rien ne remplace les travaux pratiques ! Donc direction les fermes pédagogiques. Il y en a un peu partout en France (comme ici en Ile-de-France), pour cueillir sur place fruits et légumes, déguster des produits faits-maison ou apprendre sur une journée, un week-end ou une semaine. Et ce ne sont pas les propositions qui manquent : créer son potager en permaculture, faire son pain, son beurre, son fromage, ses yaourts… En outre, le blog vous avait déjà donner quelques pistes pour jardiner en famille.
Vous souhaitez vivre les choses de l’intérieur, donner de votre temps en faisant œuvre utile ? Tournez-vous vers le wwoofing. Il s’agit essentiellement de fermes bio, qui accueillent des visiteurs/vacanciers, en échange d’une demi-journée de travaux pour aider l’agriculteur ou le producteur. Avec l’hôte qui explique, on met les mains à la pâte : élevage des canards, maraîchage, conservation des légumes, récolte du miel, initiation à l’éco-construction… Une option cohérente en termes de valeurs puisqu’elle combine agroécologie et éco-tourisme, à découvrir sur le site français de ce mouvement mondial.
La naturopathie offre une approche santé complémentaire, en remettant les plantes mais aussi les techniques naturelles au cœur de la prévention. Sans se lancer forcément dans une formation de naturopathe (un titre de niveau Bac+2), des initiations sont plus accessibles, pour reconnaître les plantes, les cueillir et les conserver, les utiliser pour les petits maux du quotidien ou fabriquer des produits de base (savon, cosmétiques…), comme à l’Ecole lyonnaise des plantes médicinales (j’y ai personnellement suivi une excellente formation à l’utilisation des huiles essentielles) ou à l’Ecole bretonne d’herboristerie.
On peut enfin choisir de viser l’autosuffisance, en réduisant sa consommation et en fabriquant naturellement tout ce qui est possible : cuisine maison, produits cosmétiques ou d’entretien naturels, petits meubles, vêtements… Le nombre de tutoriels explosent sur le net, comme ceux de la chaîne la clé des champs, il suffit de faire une recherche avec les termes « autosuffisance alimentaire » ou « autosuffisance énergétique » ou « autonomie en eau potable » pour suivre les conseils de ceux qui sont passés par là. L’association Fermes d’avenir va plus loin en proposant une formation pour créer son projet d’autonomie alimentaire. Des perspectives qui s’accompagnent généralement d’un changement de vie qui se prépare.
L’exercice à essayer : la lessive au lierre
De nombreuses recettes de lessive existent, à base de savon de Marseille. Mais les plus naturelles sont sans doute celles que l’on peut réaliser avec des cendres ou du lierre. Un joli lierre grimpant sera peut-être plus facile à trouver qu’une cheminée en cette saison, voici donc comment faire.
Si le lierre contient de la saponine, dotée naturellement de propriétés lavantes, il est également recouvert de falcarinol qui peut s’avérer légèrement urticant. Pour couper les feuilles de lierre, mieux vaut donc porter des gants.
Pour 1 litre d’eau, il faut 40 à 50 feuilles (soit environ 50g), sans leurs tiges car elles ne contiennent pas de saponine. Lavez-les rapidement sous l’eau, puis déposez-les dans la casserole d’eau froide, en les froissant pour libérer l’agent lavant. Portez à ébullition puis réduisez à feux doux en prolongeant la cuisson de 15 minutes. Coupez le feu, couvrez et laissez infuser pendant au moins une nuit, voire 24h.
Il suffit ensuite de filtrer pour placer le liquide dans une bouteille en verre, à conserver au réfrigérateur pendant 3 semaines maximum.
Sa couleur verte ne doit pas impressionner, elle peut être utilisée sur tout type de linge. Pour les tissus blancs cependant, il est conseillé d’ajouter une cuillère à soupe de percarbonate de soude dans le tambour de la machine.
Si la lessive n’est pas suffisamment nettoyante, on peut lui ajouter deux à trois cuillères de bicarbonate de sodium. A noter qu’elle pourrait être légèrement irritante pour les plus petits, dans ce cas, lui préférer la lessive au savon de Marseille.
Un peu de lecture
- L’intelligence animale et Quand les animaux et les végétaux nous inspirent, d’Emmanuelle Pouydebat (Odile Jacob 2017 et 2019).
Chercheuse au CNRS et au Muséum d’histoire naturelle, l’auteure analyse les comportements des animaux et recense les innovations de la nature qui pourraient changer notre vie.
- Les huit enseignements majeurs de la nature, pour bien vivre dans le monde, de Gary Ferguson (Guy Trédaniel, 2021).
Après une vingtaine d’ouvrages consacrés au rapport avec la nature sauvage, l’auteur analyse huit leçons immuables, concluant que « la beauté de la nature détient chaque enseignement ».
- 101 façons de se reconnecter à la nature, de Frederika Van Ingen (Les arènes, 2021).
Journaliste et spécialise des peuples racines (Massaï, bushmen…), l’auteure nous invite à vivre des petites expériences pour ressentir à nouveau le vivant.
- En route vers l’autosuffisance, du potager à l’énergie, de Régine Quéva (Larousse 2021).
Un classeur comme un défi, pour tout faire chez soi et par soi-même, par une auteure que nous avions reçue dans Inspirations positives.