Qui n’a pas couché dans le secret d’un carnet ses interrogations, doutes ou colères adolescentes ? Le journal intime semble appartenir à un autre temps et son évocation peut faire légèrement sourire. Pourtant, le recours à l’écriture comme exutoire revient en force, comme un véritable outil de développement personnel. Coucher sur le papier ses pensées, ses émotions et ses expériences séduit de plus en plus de gens en quête de sens et de sérénité. Cette volonté ne date pas d’hier. Depuis des millénaires, des hommes et des femmes ont toujours consigné leur vie par écrit​. Des Pensées de Marc-Aurèle au Journal de Jules Renard en passant par les Essais de Montaigne, ces réflexions ne sont pas qu’un exercice narcissique. Elles structurent leur quotidien et éclairent leur œuvre.

Si l’on en croit un article paru dans Le Monde, en 2020, 7% des Français déclaraient tenir un journal. Une renaissance post-Covid qui semble aller de pair avec une quête accrue de sens. Cette pratique de l’écriture intimiste revient en flèche sous l’appellation de journaling.

Mais pourquoi ce retour en grâce ? Il semblerait que cette envie soit une double réaction à la dictature et à la superficialité des réseaux sociaux. A l’heure où nous étalons parfois avec complaisance nos vies en ligne, nous sommes nombreux à vouloir préserver une dimension intime de notre existence. Plus essentielle aussi.

Ces pages personnelles ne sont plus l’espace de notre nombrilisme, elles sont désormais utilisées comme un atelier pour accéder à une meilleure version de soi​. Car entretemps, le développement personnel est passé par là. « Journaler » n’est plus simplement un exutoire, il devient une attention active à soi, une sorte de méditation par l’écriture, un moyen de décoder le chaos intérieur pour retrouver son équilibre​.

Les cinq vertus du journaling

1 – L’authenticité

En noircissant les pages d’un journal, on s’offre un temps pour soi et espace sans jugement où l’on peut être sincère avec soi-même,  pleinement authentique. La feuille blanche agit comme un miroir : on s’y contemple avec bienveillance, sans crainte du regard d’autrui, ni des critiques. Toutes les idées peuvent être énoncées, sans aucune censure.

2 – La clarté

Noter nos pensées et nos réflexions, facilite un dialogue silencieux avec nous-même, qui aide à désencombrer l’esprit et clarifier ce que l’on ressent​. Le journaling n’est pas comparable à une dissertation dans laquelle on structurerait une argumentation pour arriver à une conclusion logique. Ecrire sur une situation qui nous a blessé permet d’identifier ce qui s’est réellement joué dans ce schéma, ce qui nous dérange vraiment – même si on ne sait pas encore pourquoi.

3 – La gestion émotionnelle

Tant qu’une contrariété tourne dans notre esprit, elle l’encombre. Si on la pose sur le papier, on peut déjà la considérer avec recul. Elle commence déjà à « sortir de notre tête », avec son lot d’émotions associées. Beaucoup d’adeptes du journaling le constatent : le fait d’écrire régulièrement pour soi et sur soi réduit le niveau de stress et peut même atténuer les symptômes de certains troubles psychiques (dépression, anxiété, stress post-traumatique…). L’écriture participe ainsi à une meilleure compréhension de soi et à développer sa propre intelligence émotionnelle.

4 – La compréhension

Nous avons tendance à survoler les sujets qui nous dérangent. Le journaling nous offre la possibilité de les creuser, d’aller chercher la racine de ce qui a pu nous bouleverser. On peut d’ailleurs s’y reprendre à plusieurs fois. Une dispute qui nous perturbe peut être décodée sur plusieurs jours : en décrivant ce que l’on a vécu de notre point de vue, puis en énonçant les sentiments qui nous ont traversé, en rapprochant ensuite ces faits d’autres comportements que nous avons déjà rencontrés, en essayant aussi de comprendre la position de l’autre/des autres, en choisissant enfin l’issue qu’on veut lui donner, en conscience… Le but n’est pas forcément de trouver une solution, mais d’améliorer la connaissance de la vraie raison de nos blessures, et de faciliter notre fonctionnement avec les autres.

5 – L’évolution

Un journal peut toujours se relire. Avec le temps, on peut réaliser à quel point on a évolué. Reprendre son journal des mois ou des années plus tard permet de mesurer le chemin parcouru et de prendre conscience de ses progrès – un peu comme si l’on dialoguait avec son moi du passé et du futur en même temps.

Quelques conseils pour s’y mettre

– Le plus important : un carnet et un stylo

Choisissez un carnet que vous puissiez emporter et ranger facilement (surtout si vous ne voulez pas qu’il tombe sous des yeux indiscrets) et que vous ayez plaisir à utiliser. La qualité des pages est un élément flatteur pour avoir envie de s’y plonger.

Vous pouvez écrire avec le stylo, feutre, porte-plume et dans la couleur qui vous conviennent, à condition que ce soit à la main. L’écriture manuelle prend plus de temps et active un lien main-cerveau qui sollicite des zones liées à la mémoire et aux émotions – ce que l’on ne peut obtenir aussi bien en utilisant un clavier. On vous rappelle cet article du blog dans lequel ce sujet avait déjà été abordé.

– Avoir une pratique régulière

Idéalement, le journaling se pratique quotidiennement, même si ça n’est que quelques minutes. Le matin, il permet de se projeter dans sa journée ; le soir il aide à en faire le bilan – et accessoirement augmente la qualité du sommeil.

Ne vous imposez pas un temps défini. Suivez votre envie. Vous êtes trop fatigué ? Ecrivez une seule phrase sur votre carnet. Ca ne doit pas non plus devenir une corvée…

– Avoir un sujet… ou pas

Vous pouvez vous donner une contrainte ou non : sujet précis, nombre de lignes ou même un sujet par jour de la semaine… Et si vous manquez d’inspiration, quelques questions peuvent vous aider : : « Qu’est-ce qui m’a apporté de la joie aujourd’hui ? », « Qu’ai-je appris ? », « De quoi suis-je reconnaissant dans ma vie ? », « Quel est le plus grand défi que j’ai surmonté récemment et qu’est-ce que j’en ai appris ? », « Qu’est-ce qui me bloque en ce moment ? »…

Vous pouvez aussi ouvrir un livre d’illustrations, un recueil de photographies, un roman – ou même la Bible – à n’importe quelle page, et vous demander en quoi cette image, cette phrase ou ce verset résonne avec la journée que vous venez de passer. Les limites sont celles de votre imagination.

Le journaling est un cadeau que l’on se fait à soi-même. Loin des écrans et de la pression des likes, il permet de tisser, page après page une meilleure connaissance de soi. Pour en retirer tous les bénéfices, il convient de l’aborder avec souplesse et bienveillance. Le nouveau journal intime est là, à portée de stylo, et il n’attend que vous.